Dossier artistique : l’ETHNO-SURREALISME
D’André Breton, à Salvador Dali, en passant par Marcel Duchamp, les surréalistes sont mes prédécesseurs sur les chemins de création que j’explore depuis plus de Vingt ans. Du surréalisme, j’ai hérité le goût de plonger dans la civilisation africaine, à laquelle m’enracinent mes origines malgaches. N’étant jamais retourné à Madagascar depuis ma naissance, mon propos sur l’Afrique ne pouvait qu’épouser la démarche surréaliste, comme il épouse les limites d’un rêve éveillé.
Le rêve d’une conscience qui placerait l’ Humain au cœur d’une forêt de symboles directement reliés aux signes de l’Univers. Le rêve d’une Humanité, une et indivisible, détentrice d’un savoir ésotérique que l’on retrouve universellement chez toutes les civilisations primordiales.
Depuis 1997, date de la remise du prix « jeune créateur » pour ma participation au VIIème salon d’arts plastiques de Dreux, récompensé alors pour le tableau ici présenté : « la marche vers le soleil » ; il s’est agi de rendre compte d’un maximum de peuples premiers, en un détour mystique et ethnographique qui compose, depuis, l’ETHNO-SURREALISME dont je suis le représentant.
L’ETHNO-SURREALISME permet de procéder à des décalages des repères bibliques et mythologiques occidentaux grâce à la mise en avant des symboles primitifs et ancestraux, et à l’abondance de références à d’autres civilisations : ainsi dans « l’Allégorie du secret du pouvoir de l’Ecriture », tableau de 100 x 120 cm, des années 90, la question du rapport des intellectuels au pouvoir, et de leur usage de l’Ecriture dans leurs combats – est transférée dans un contexte égyptien et africain , où la question est explorée dans l’allégorie représentée ( Prix des artistes au salon afro-caribéen de Grigny en 2008 )
Autre toile représentative de mon travail en l’an 2000 : « Eve, Caïn et les esclaves », peinture à l’huile sur toile de 200×150 cm, qui présente Eve et ses enfants sur un trône porté par des esclaves devant la mer.
« Les penseurs », huile sur toile ( 120×120 cm), encadré de moulages de dents , fait partie de cette série de « TABLOBJET » ( tableau + OBJETS) que je présente sur mon site http://patrick_rako.nuxit.net depuis 2006 . Ou quand l’ETHNO-SURREALISME consiste aussi à provoquer des collisions non plus linguistiques au sein de l’image, mais également des collisions culturelles, vectrices de sens ou de non-sens, en mettant en scène l’antithèse de l’homme moderne : l’homme primitif aux prises avec des objets réels issus de la consommation de masse, par un jeu d’association entre objet réel, image peinte et titre évocateur.
L’EAU est un élément que j’aime à représenter dans mon travail plastique, même si ici avec : « les Trois grâces », grand tableau à l’huile sur toile de 100×170 cm, est plutôt évoqué l’aspect commercial de l’eau buvable sous forme de sodas ou de boissons alcoolisées.
« Totem » est un objet peint en relation avec l’ EAU : une planche de surf.
Voici pour finir les tableaux primés en 2013 pour le concours « Chorum et handicape » : « Adam le chaman », encadré de briquets qui mêle les éléments : l’EAU et le FEU, l’EAU et la TERRE.
« Vison d’EVE » encadré de cannettes, restitue une Eve dubitative entre la source originelle d’une EAU créatrice, et la réalité contemporaine d’une eau désacralisée.
Autre tableau ayant reçu le « prix coup de cœur Chorum 2013 » : « Paradis du peuple primitif façon art brut » :
Presentation du tableau : « LA FAMILLE DE NOE »
Peinture à l’huile sur toile de 74×150 cm réalisé en 2013 :
Fidèle à ma démarche ETHNO-SURREALISTE, je n’ai pas choisi, pour ma première participation au prix de la fondation François Schneider, de sonder la matière liquide en rendant compte de ses différentes couches possibles et imaginables, grâce à une géométrie fractale que permet tout travail plastique. Il m’est apparu, compte tenu du sujet, qu’une création reposant sur une approche géométrique et un travail au pinceau et à la peinture à l’huile cherchant à rendre compte de l’équilibre entre les 4 éléments, à travers la représentation de la famille de NOE, servirait une approche transversale et épistémologique de l’EAU.
La descendance de NOE comme la notre est concernée par l’EAU ; Mais pour NOE L’EAU n’est pas que source de vie, c’est l’eau de pluie ruisselante, une eau furieuse et sans discontinu, l’eau des eaux profondes de la mer, l’eau qui amène le déluge à laquelle il est associé. Aussi, en privilégiant un panorama offrant trois points de vue : celui de la femme de NOE, celui de NOE, et celui de ses deux autres fils, j’ai procédé à un découpage géométrique de l’image qui visait à sensibiliser le spectateur à trois états de l’EAU, où trois façons de l’envisager : L’EAU du Déluge englobant aussi bien l’aspect MATRICIEL de l’EAU, que sa dimension ORDALIQUE, situant l’EAU comme source de vie à l’approche de son caractère INCONSCIENT ou ouvrant sur la SAGESSE.
La première partie du tableau : la partie gauche rend compte de ce que le fondement de l’univers est un océan dont l’eau est d’essence divine comme l’eau est « mère » et « matrice ». Aussi est-ce par elle que se manifeste le transcendant. Et la femme de NOE est ici la version féminine, sensuelle et maternelle de l’eau. Le thème de la mère à l’enfant étant ce par quoi l’eau se montre comme l’élément de l’AMOUR et de l’UNION , dont le soleil en contre-jour en appelle comme à la céleste toute puissance de cette eau originelle qui s’écoule dans les artères des descendants d’ADAM , et, participe de nos sensations, envahit notre conscience pendant la nuit, pour nous assaillir des fulgurances oniriques des êtres magiques qui la peuplent : eau originelle invisible, d’une mer qui retire sa jupe à la dentelle d’écume pour nous laisser, le matin, en prise avec l’eau de nos pensées dessalées de songes matriciels.
Autre aspect de l’eau : au centre du tableau, NOE, d’un geste invite le spectateur , seulement son geste est contredit par son visage fermé presque en colère, rappelant que la mer elle-même est agitée, que le ciel est chargé de gros et épais nuages, le patriarche – de par sa coiffe rouge et sa pipe qui évoquent l’élément qui conduit à l’ébullition de l’eau : le FEU – nous conduit sur la piste de l’EAU dévoratrice comme les flammes liquides d’un Océan Rédempteur dont le ventre ruisselant avalera les pêchers des hommes pour les purifier dans une mort régénératrice des forces vives non dévoyées qui peuvent toujours jaillir d’une nouvelle humanité, que l’ORDALIE par l’eau doit faire advenir. Le geste de NOE, et ainsi de celui de tous patriarches, nous met en garde, non contre les excès de l’eau, mais face aux excès de l’Homme dont dépendent les excès de l’eau.
Dernière partie : les deux autres fils de NOE, peut-être SEM et JAPHET, que leur mère semble appeler de l’autre côté, sont occupés à regarder quelque chose que le tableau ne montre pas. Du doigt, ils pointent un AILLEURS INCONNU. Celui de la symbiose de l’EAU et de l’AME. Comme si le liquide à la transparence éternelle jouissait d’une constitution en corrélation secrète avec la consistance de l’âme et le fleuve inconscient qui l’abreuve, où se rejoignent tous les inconscients de tous les esprits passés, présents et futurs, en un point immatériel , réel et symbolique à la fois, par où s’écoule jusqu’à notre RAISON l’eau du Savoir, l’eau de la Connaissance, l’eau de la Prophétie et l’eau de la Poésie. Ces eaux formant le corps liquide mystérieux qu’est la SAGESSE qui abonderait jusqu’à notre conscience telle une Lumière, si cette sorte d’eau dont elle est composée, pouvait ne pas être par la profondeur abyssale de sa source , un MYSTERE qui abreuve la Conscience, mais, dont la Lumière de la Conscience Humaine ne réussit pas à pénétrer les entrailles…