Journal Fou
Katia Borderlyn
Le tour de la terre. Le sol sous nos pieds tourne à des milliers de kilomètres à l’heure. La planète entière fonce autour du soleil à soixante-sept mille kilomètres à l’heure. Et je peux le sentir. Nous tombons dans l’espace, toi et moi, accrochés à la peau de ce petit monde. Et si nous lâchons, c’est ce que je suis.
Carvalho
On était là comme deux gamins assis sous les étoiles devant nous les lumières devile danser jusque dans nos yeux on regarder l’horizon comme pour se dire que plus loin quelque chose nous attendait des joints à la main ont laissé la musique parler pour nous on se regardait de temps en temps comme pour se dire que l’on s’aimait j’me suis demandé a quoi ressemblerait ma vie si le temps venait à s’arrêter maintenant ce soir-là nous avions vu la même étoile filante les yeux rivés vers la galaxie je me suis sans cesse demander ce à quoi ressemblait son souhait quand je me suis allongé sur le sol j’ai vu la lune la lune et l’univers je me suis sentie minuscule à croire que ma place sur cette planète ne servait pas à grand-chose j’étais juste la effrayé par le monde est amoureuse de lui dans son regard je me sentais importante comme si j’étais cette personne pour laquelle il vivait mais comment s’accrocher à quelqu’un qui se sent démuni comment aimer ce qu’on peut perdre à tout moment comment ne pas avoir peur de souffrir c’est en voyant que même sans avoir une seule réponse j’ai su que c’était possible j’aimerais parfois être comme lui avoir des rêves plein la tête il est venu s’installer au-dessus de tout mon être pour me dire droit dans les yeux qu’il m’aimait de tout son cœur j’aimerais pourtant qu’il sache que le moindre de ses gestes peut décider de mes humeurs et que ma tête ne cesse de me parler de lui est-ce que parfois je lui manque est-ce qu’il se souviendra toujours de moi est-ce que au moins il se rend compte de la valeur que je porte a ses mots j’ai eu le temps de lui sourire avant qu’il ne dépose ses lèvres sur les miennes et que mon cœur grave ce si beau souvenir au creux de tout mon être |
The Amazons @ La Mécanique Ondulatoire – le 17 février 2017
Nous avions découvert La Mécanique Ondulatoire à l’occasion du fantastique concert du groupe canadien Dilly Dally. Depuis ce jour, nous tenons à l’oeil ce bar du quartier Bastille où se produisent DJ et groupes.
Ce soir nous avons pu voir dans cette petite cave du passage Thiéré le groupe britannique The Amazons. Ils sont originaires de Reading, et sont menés par le chanteur-guitariste Matt Thompson.
Pendant le début du concert nous nous sommes demandés s’ils étaient américains ou bien anglais. Nous avons eu un moment d’hésitation, dû au côté héroïque et lyrique de leur musique. C’est du rock puissant et sauvage, très clairement électrique, et qui se promène entre le stoner, l’indé 2016 et les Arctic Monkeys. C’était là leur première sortie hors de Grande-Bretagne et ils nous ont fait l’honneur de commencer par Paris. Cela fait plaisir d’entendre du vrai rock à cheveux longs après un hiver qui nous a fait douter de la pérennité de notre musique préférée : nous avons tenu bon, et en 2017 le rock existe toujours, même si c’est au fond des caves que ça se passe. Pour répondre à notre question, The Amazons sont indubitablement anglais, comme le montrent leurs mélodies. S’ils ne brillent pas par l’originalité, ils ont des titres forts comme Little Something, Black Magic et surtout l’excellent In My Mind qui ferait un bon single radiophonique et qui est une vraie bombe. Nous nous sommes régalés et ce concert était finalement trop court. On notera au passage la première partie plutôt sympa de l’artiste Clint Slate, qui gagne à se produire seul avec une guitare accoustique qu’il sait faire sonner, plûtot que de se perdre en projets tirés par les cheveux.
Par P. Bretel
Toybloid – Le Plan (Ris Orangis, paris sud) – Par Patrick Bretelle
Nous nous sommes aventurés en banlieue parisienne pour voir un groupe que nous avions raté lors de leur concert à Paris Intra-Muros. Cette séance de rattrapage ne fut pas inutile. Toybloid, c’est tout simplement une bombe !
Mais parlons tout d’abord de la première partie, qui était de qualité : Katerine Rose, une chanteuse-guitariste franco -allemande. Elle parvient à tenir la scène toute seule avec sa voix superbe, veloutée et sensuelle, accompagnée seulement d’une guitare électrique et d’une boite-à-rythmes. C’est du pur indé, envoûtant et esthétique, et qui nous semblait tout particulièrement destiné par le hasard de la programmation. C’est une performance toute en finesse et en émotion, et nous espérons entendre reparler de cette artiste.
Toybloid, qui était en tête d’affiche, a en commun avec Katerine Rose la qualité vocale. Certes ce jeune groupe parisien n’a rien inventé, il fait du Joan Jett, mais nous n’en demandons pas tant. C’est déjà miraculeux de voir une telle qualité musicale de la part d’un groupe parisien et chez des gens aussi jeunes. Car les Toybloid sont très jeunes. Ce groupe a un réél talent, et nous a tapé dans l’oreille avec son single « If Yoy dare ». Mais Toybloid n’est pas le groupe d’une seule chanson, et son rpéertoire contient d’autres hits potentiels. La ryhtmique nous fait penser à Mademoiselle K et pourrait être plus puissante. Mais malgré des défauts de jeunesse (ce n’est que leur premier album) ils dépssent d’une tête bien des groupes plus avancés en âge. Ce power-trio propose un pur moment de fun et d’energie, et réalise ce qu’on demande depuis toujours à des français : faire aussi bien que les anglo-saxons. Toybloid a une vraie chanteuse, ce qui nous change de tous les braillards que nous avons pu entendre lors des générations précédentes de groupes français. Bref un bon concert d’un bon groupe, et leur passage dans cette salle à la réputation affirmée est un signe de reconnaissance, car ce n’est pas n’importe qui qui joue à Ris-Orangis. Nous aimerions que ce groupe ne soir pas un cas isolé, et qu’il y ait une vague de groupes français de qualité. Nous sommes à l’affut de ce genre de choses.
Pour une fois le contrat entre le groupe et les fans de rock est rempli. N’hésitez pas à aller voir Toybloid s’ils passent dans votre région, ça vaut le déplacement. Ils seront à la Maroquinerie à Paris le 5 novembre prochain.
FABULEUX DIZZY BRAINS
Ce vendredi soir avec John et trois autres amis nous ne nous attendions pas à une telle soirée en débarquant au « pan piper ». Nous étions venus voir le groupe Dizzy Brains, soit dit en passant ce qui signifie : « les cerveaux étourdis », et nous sommes tombés sur une pépite musicale, que dis-je : un groupe sachant faire des shows qui vous frappe comme une claque musicale et vous font vibrer comme une machine à laver devenue folle !
Dizzy Brains est un groupe malgache haut en couleur dont l’ossature est composée par les frères Andrianarisoa : Eddy au chant et Mahefa à la basse. Il y a aussi Poun à la guitare et Mirana à la batterie. Depuis 2011, il squattaient les rues et les bars de Madagascar, jusqu’à leur révélation qui les a propulsé sur la scène française où aux « Transmusicales de Rennes » leur prestation fut vivement saluée.
Et pour cause , les Dizzy Brains sont des bêtes de scène. Eddy, le chanteur est hallucinant ! Son jeu de scène époustouflant ! Fils spirituel de Mick Jagger et Iggy Pop, il a la bouche et les lèvres sensuelles du premier et l’hyper énergie du second. Ses attitude sensuelle et son sexe appeal sont détonnant, et nous en avons été scotchés tant Eddy est brillant et envoutant sur scène.
Leur musique : punk dans l’attitude et « garage rock ». Des riffs à la guitare envoutant , à la rythmique et au solo digne des grands du rock des années 60, 70; ou complètement actuels. Des compositions engagées et dénonçant l’immobilisme, la corruption, la précarité et la censure sexuelle au sein de la société malgache. Aussi comprend -t-on pourquoi Dizzy Brains est un groupe interdit de radio et de télévision à Madagascar.
Très vite l’ambiance est devenu complètement folle sur le dance floor tant nous avions envies de bouger , nous agiter, de pogoter dans tous les sens , envoutés par les ondulations et les zébrures sonores de la guitare, l’esprit chaviré et retourné par les cris musicaux d’Eddy : les Dizzy Brains nous avaient emportés avec eux dans leur bolide musicale rock’n roll…
Songes du Pays de Wa
Songes du Pays de Wa
Yoshitaka : La valeur pédagogique de la souffrance. 5
Kiba : substituer le jugement à l’empathie. 12
Dans la cosmogonie hindouiste, Brahma est un démiurge qui engendre l’Univers en rêvant ; Las de sa divine solitude, il créa Maya pour jouer avec Lui. Suivant les conseils de cette dernière, Brahma donna naissance au plus magnifique jeu qu’il soit : l’Univers. A l’issue de cette divertissante & illusoire création, la déesse sépara Brahma en une multitude de particules qu’elle répandit dans chaque être humain ; ainsi fractionné, le démiurge oublia qui il était et prit part au jeu que la malicieuse Maya lui avait concocté : se découvrir lui-même par le biais de cette myriade d’erzats que sont les êtres humains.
Ce recueil de nouvelles est le fruit de nombreuses parties de Jeu de Rôle où sept amis vécurent de palpitantes aventures sorties tout droit de l’imaginaire fertile d’un Maître du jeu talentueux. Par ce biais, Ô combien ludique & vain, qui valut aux membres de la tablée des récriminations incessantes de la part de leurs amis, familles & compagnes d’alors, nous avons tous appris à mieux nous connaître.
A l’instar de Brahma, nous avons incarnés de multiples personnages dans de multiples situations virtuelles qui nous ont mis face à des choix, des cas de consciences & des sentiments que la morne réalité du XXIème refusait de nous donner. Par ce divertissement tout à fait Pascalien, nous avons pu nous extirper d’un réel d’une banalité affligeante pour nous réfugier dans un imaginaire où nos idées, nos choix et nos actes avaient un impact.
Il y a cependant une douce ironie à cette fuite dans l’imaginaire : rêver d’une vie aventureuse et héroïque nous a permis d’accumuler une somme de connaissances et de compétences d’une utilité incontestable dans la vie quotidienne. D’une certaine manière, nous sommes sortis du jeu de rôle par le jeu de rôle. Les aventures que nous vivions étaient imaginaires mais les sensations, les sentiments & les réflexions qu’elles provoquaient en nous étaient loin, elles, d’être virtuelles.
Je voudrais donc aujourd’hui partager avec vous ─lecteurs─ ces rêveries. J’ose espérer qu’elles vous divertiront, qu’elles vont donneront, peut-être, matière à réflexion & surtout qu’elles parviendront à rendre hommage à ce Maître du Jeu généreux, bienveillant mais un peu fou qui, par son seul talent d’improvisation, nous a tant apporté.
Damien
« La gratitude est le paradis lui-même. »
William Blake
Yoshitaka : La valeur pédagogique de la souffrance
Beaucoup d’êtres ont tenté et tentent encore de définir ce qu’est la Vie ; d’en déterminer l’origine, le sens, les limites. Il y a d’innombrables définitions à la notion de Vie et nous allons, dans l’histoire qui va suivre, aborder l’une d’entres elles. Ce ne sera ni la plus noble, ni la plus belle, ni la plus attrayante mais, peut-être, sera-t-elle la plus instructive.
Il existe en ce monde des âmes si fragiles qu’elles ne peuvent être qu’éphémères, des âmes à l’équilibre si précaire que face aux vicissitudes de l’existence elle choisiront le néant. Pour les êtres dotés de telles âmes, aucune homéostasie n’est possible : la vie est une souffrance de chaque instant, le monde un purgatoire et leurs semblables des démons.
La survie de tels êtres ne dépend que d’une seule et unique chose : leur capacité à changer le monde. Mais qui peut prétendre imposer sa volonté à d’autres entités, à la matière, à l’énergie ? Qui peut prétendre forger le Réel selon son bon vouloir, si ce n’est un Dieu ?
Il était une fois, dans le Pays de Wa, une confrérie de cinq combattants. Chacun d’eux était l’incarnation d’une vertu : Devoir, Volonté, Courage, Justice et Amitié fraternelle. Au fil des années et au gré des combats ils avaient appris à se connaitre, à se respecter et surtout à ne faire qu’un face à l’adversité. « Nous ne sommes pas nés le même jour mais nous mourrons le même jour » telle était leur promesse, tel était leur credo…
Ces samouraïs —serviteurs— étaient unis, pas seulement par leur serment ou par leur allégeance à un maitre mais par un idéal : apporter l’Harmonie aux Terres du Milieu. Certaines nuits, à la faveur des chaleurs combinées de l’alcool, d’un feu et des femmes ils se laissaient aller à la rêverie ; Ils rêvaient ensemble du jour où ils seraient libres, du jour où le règne de la paix les affranchirait du fardeau harassant de leurs fonctions.
« — Un jour, ma petite, la paix règnera et tu pourras te vanter d’avoir passé une soirée avec l’un de ses instaurateurs, déclara Wang Work à une geisha.
— Et qu’est-ce qui te fait croire qu’elle ou toi vivrez assez longtemps pour en profiter, lança Tan Zaemon sarcastique.
Wang Work qui était jusqu’alors négligemment avachi sur un parterre de coussins finement brodés, répondit instinctivement à la provocation en redressant son buste large et puissant. Achevant de reprendre une posture décente, il rétorquant fièrement :
— Le tranchant de mon sabre, Maitre de l’école du Phénix.
Les deux samouraïs prirent un air sérieux et se toisèrent tout en finissant leur coupelle de saké. Sentant la tension monter, les geishas en pleine représentation changèrent le thème de leur musique et de leur danse pour quelque chose de plus doux.
— Ne pouvez-vous pas faire preuve d’un peu plus de respect à l’égard des dames ici présentes et cessez vos enfantillages, intervint le Maitre de l’école du Dragon Divin.
Wang Work et Tan Zaemon réagirent de concert :
» Ce soir, pas de leçon d’étiquette Mimuji Shoki, nous nous détendons ! »
—Mais justement mes amis, justement. Puisque nous sommes ici pour nous détendre pourquoi vous invectiver à chaque occasion, déplora Le Maitre de l’école du Dragon Divin.
La seule réponse qu’eut le Maitre fut le silence. Pendants quelques instants, tous les convives se turent absorbés par la danse et la douce mélopée des dames de compagnie. A l’issu de la représentation des quatre geishas, Mihiko, l’Oiran qui présidait les festivités, posa sa coupelle de saké avec grâce et relança la discussion :
— Mes Seigneurs, pourrais-je vous demander à quoi occuperez-vous votre temps lorsque le pays goûtera enfin à la douceur de la sérénité ?
— La paix, Dame Mihiko, n’est qu’un moment de répits entre deux conflits ; je continuerai donc à perfectionner mon art du sabre et je demeurerai aux côtés de l’Empereur Akuchi tant qu’il aura besoin de mes services.
L’Oiran acquiesça aux propos de Wang Work puis posa un regard d’une douceur pénétrante sur le Maitre de l’Ecole du Phénix pour l’inviter à s’exprimer.
— J’œuvrerai au développement et à la prospérité de mon école. Le Phénix m’a fait don de bushi talentueux et assidus, après quelques années supplémentaires d’entrainement je choisirais l’un d’entre eux pour assurer ma relève en mon absence ; je projette de voyager à la recherche de reliques ancestrales du Phénix et de consacrer mes vieux jours à la rédaction de traités sur l’Art de la Guerre.
Une nouvelle fois, Mihiko acquiesça. Sa jeune maiko lui resservi une coupelle de saké qu’elle porta lentement à ses lèvres vermeilles. Après avoir dégusté une gorgée du breuvage, et voyant que ses deux autres invités gardaient le silence, elle reprit :
─ Et vous, Maitre de l’école du Dragon Divin, avez-vous quelque projet ?
Mimuji Shoki affichait une mine pensive et suivait du regard les doigts d’une geisha courir sur son koto. Bien qu’il eut parfaitement entendu la question il était absorbé par ses propres réflexions. Finalement, il posa sa coupelle avec délicatesse à côté de la bouteille de saké, dégluti discrètement et pris la parole :
─ Voilà plus d’un siècle que les Terres du Milieu sont ravagées par les conflits. Le peuple souffre et endure dignement les affres causés par les luttes de pouvoirs entre belligérants. Moi-même, depuis ma naissance je n’ai connu que la guerre et même si aujourd’hui je suis un magistrat d’Emeraude, un maitre d’école, un époux et un père j’ignore ce que signifie la quiétude d’un foyer. La guerre fait de nous des nomades, des déracinés elle nous rend étranger à nos semblables, à notre terre et à nous même. Nous nous battons pour quelque chose dont nous ignorons tout et si nous parvenons, comme je l’espère, à rétablir l’Harmonie j’ignore si nous serons aptes à vivre dans un monde en paix. Mes frères et moi sommes des combattants, qu’adviendra-t-il de nous lorsque la paix régnera ? L’empereur prévoit de nous récompenser d’un fief mais j’ignore tout de l’administration d’un fief.
Shoki s’interrompit. Bien que sa tirade ne semblait s’adresser à personne sauf à lui-même ses paroles résonnèrent dans tout leur être ; tous comprirent en cet instant que si la paix finissait par arriver il leur faudrait apprendre à vivre autrement. Après un long silence, que les chants et les danses peinaient à dissimuler Mimuji Shoki conclu :
─ Donc, pour répondre à votre question Dame Mihiko, je crois que lorsque j’aurai la conviction que la Paix sera vraiment installé, je rangerai mes sabres. Je m’occuperai de ma famille, de mes terres et je me consacrerai à la sculpture. Il y a dans mon dojo une effigie en bois de Fu Yi, sculpté par un de mes prédécesseurs, je pense que j’arpenterai cette voie. La voie du sabre m’a permit de me connaitre moi-même, la voie de la sculpture me permettra peut-être de me façonner une existence paisible.
Mihiko, qui avait écouté avec attention le discours du Maître, fut saisie par son humilité. Cela faisait plusieurs fois que les proches conseillers de l’Empereur lui faisaient l’honneur de lui rendre visite mais jamais elle n’aurait pensé que l’un d’eux lui parlerait avec tant de sincérité. Elle prit cette confession pour une marque de confiance et voulu montré la réciprocité du sentiment en poussant plus en profondeur la discussion :
─ Maître Mimuji quelque chose m’échappe, je pensais que la guerre était la finalité du bushido. Vous êtes un homme accompli et le crédit de votre charge de magistrat d’Emeraude en atteste. Pourtant, vous déplorez la guerre tout autant que vous redoutez la paix.
─ La finalité du bushido, Dame Mihiko, n’est pas la guerre mais l’Harmonie ; l’harmonie avec soi-même, avec autrui et avec l’Univers. L’homme d’armes n’est en rien différent de la joueuse de koto. Vous savez certainement mieux que moi que l’Art du koto nécessite de focaliser son esprit et son corps dans le but d’organiser des sons de manière harmonieuse ?
─ C’est exact.
─ Et bien, il en va de même pour le guerrier. Il se focalise sur le moment présent sans songer à la mort dans le but d’agir de la manière la plus juste, la plus harmonieuse.
─ Je comprends, Maitre Mimuji. Mais je ne saisi toujours pas pourquoi songer à la paix est, pour vous, source de tracas. La paix est votre alliée dans le tumulte du combat pourquoi ne la serait-elle pas à l’issu des conflits ?
─ La paix dont vous parlez, Dame Mihiko, n’est pas l’Harmonie. Elle y participe assurément mais n’est qu’une émanation de l’Harmonie. Les paroles de Wang Work m’ont remémoré une évidence : l’impermanence de toute chose. La destruction de nos ennemis mettra un terme définitif aux conflits mais le Bushido n’est pas une voie de destruction, c’est une voie qui va par delà la victoire et la défaite. La Guerre n’est qu’un symptôme d’un déséquilibre, tant que l’Harmonie ne règnera pas dans tous les cœurs du Aku, la paix ne sera qu’éphémère.
Tout comme Mihiko, Wang Work et le Maitre du Phénix avaient bu les paroles de leur frère d’armes. Cependant, lorsque Shoki eut explicité toutes les conséquences de la recherche de l’Harmonie Tan Zaemon sentit son sang bouillir. Machinalement, il serra son poing droit; ce qui n’échappa pas au Maitre du Dragon Divin. Contenant son impétuosité à grand effort, il prit une inspiration avant de demander d’un air contrit :
─ Ce degré de perfection dans la Voie n’est accessible que par des gens d’exception, Shoki. Souhaites-tu faire de cette populace de sots, de rustres et de faibles des illuminés ?
─ C’est ce que je souhaite, mon frère. Mais seul je n’en suis pas capable.
─ Tu ne pourras jamais élever celui qui se vautre avec complaisance dans la fange et le crime. Mais à défaut de pouvoir les libérer de leurs vices tu pourras toujours libérer le monde de leur méprisable existence. Nous sommes frères d’armes mais je ne te suivrais pas dans cette Voie car elle est vaine.
Le Maître du Dragon divin abaissa lentement ses paupières et acquiesça, résigné. Quant à Wang Work, il écoutait distraitement tout en frottant son menton avec la tranche de son index. Puis, après qu’il ait plissé les yeux, il brisa le silence de sa grosse voix rauque :
─ Ce qu’il y a de bien avec cette engeance, mes frères, c’est qu’elle a une fâcheuse propension à s’autodétruire aussi vite qu’elle se reproduit. Faisons notre chemin et laissons les faire le leur, avec un peu de chance nous n’aurons pas à souffrir de leur rencontre.
De nouveau, Wang Work se laissa tomber dans l’amas moelleux de coussins et se saisi d’une pleine bouteille de saké pour la vider dans son gosier aussi vite qu’il s’en était emparé. Ainsi réchauffé et grisé par l’alcool il rajouta :
─ Après tout, je ne vois pas vraiment où est le problème. Après avoir éliminé la menace extérieure on s’occupera de la menace intérieure. La solution est semblable à nos sabres : simple, rapide et efficace.
Mihiko ne perdit pas un mot de la discussion entre les magistrats d’Émeraude. Elle était à la fois amusée et fascinée par leur comportement. Devant elle, se tenaient tour à tour des hommes d’armes, des enfants, des frères et des Maîtres : ils avaient tant à lui apprendre…
La jeune fille se sentait en sécurité en leur présence, presque heureuse. Que pouvait-il lui arriver à elle et aux Terres du Milieu si de tels hommes servaient l’Empereur ? Avec surprise elle constata qu’elle souriait. Espérant que cela soit passé inaperçu, elle effaça de son visage cette manifestation de bonheur. Voilà bien longtemps qu’elle n’avait pas souri de la sorte ; la vie ne l’avait pas épargnée depuis ces huit derniers mois. Lointaine nièce de feu Nobunaga Oda, elle avait vécu le siège du château de son oncle : les cris, les flammes, la fumée et la vison des cadavres hantaient encore ses nuits. Il lui arrivait parfois de se réveiller trempée de sueur et dans un état de panique intense. Tous les hommes de sa famille qui ne s’étaient pas ralliés à Mitsuhide Akuchi avaient été froidement exécutés ; quant à elle, vendue à une maison verte, la fortune de sa famille lui avait été confisquée et on ne lui avait laissé qu’une infime partie des kimonos somptueux qu’elle possédait.
Par chance, elle était pour le moment restée intacte. L’Okiya semblait vouloir préserver son mizuage pour un protecteur de marque ; protecteur par le biais duquel son établissement pourrait jouir d’un prestige certain. Tandis que Mihiko apprenait à accepter sa nouvelle condition, on lui annonça que des hôtes prestigieux sollicitaient une entrevue. La première fois que les magistrats d’Émeraude vinrent lui rendre visite, elle avait ressenti de l’excitation mais aussi de la peur : elle était honorée que des hommes de noble extraction lui témoignent de l’intérêt mais dans le même temps elle craignait de les décevoir. Que se passerait-il si elle commettait une erreur ? Cesseraient-ils leur visites ? Que lui dirait l’Okiya ?
Chaque nouvelle missive portant le cachet du grand intendant du Palais Impérial signifiait pour elle et pour sa nouvelle maison la mise en branle de moyens princiers : l’Okiya mettait tout en œuvre pour que les mets les plus savoureux et le meilleur saké leur soit servi ; tout comme elle choisissait les meilleures musiciennes de l’établissement pour leur garantir un divertissement satisfaisant.
Depuis la déchéance de sa famille, ces soirées étaient les seuls moments où elle se sentait elle-même, où elle était insouciante, où elle rêvait de nouveau au mariage. Si seulement, un homme comme l’un d’eux pouvait la délivrer de son marasme et lui faire retrouver les conditions de vie qui furent auparavant les siennes et qu’elle estimait mériter…
Alors que la tension entre les convives était retombée et que les magistrats d’Émeraude semblaient profiter du spectacle des geishas, Mihiko fut interrompue dans ses rêveries par le regard froid et insistant de l’inconnu qui accompagnait ses invités. Elle ignorait son nom, ses liens avec les magistrats d’Émeraude et la raison de sa présence ici. Il était resté silencieux durant toute la soirée et elle constata avec étonnement qu’il n’avait pas même touché la coupelle de saké posée devant lui. Quand elle le regarda en souriant, il cligna lentement des paupières et lui rendit sobrement son sourire. S’inquiétant, de ce qu’il pensait des festivités elle entreprit d’engager la conversation :
─ Mon Seigneur, la boisson vous convient-elle ? Vous n’en avez pas bu une goutte.
Les magistrats d’Émeraude notèrent le prémisse d’échange tandis que l’inconnu marquait un temps avant de répondre :
─ Je n’ai pas une bonne résistance à l’alcool.
La réponse de l’inconnu fit hurler de rire Wang Work qui regarda Mihiko :
─ Ne faites pas attention à lui, Dame Mihiko, c’est un lâche !
─ Un menteur et un fourbe, s’empressa de rajouter Tan Zaemon en finissant d’une traite sa coupelle de saké.
Pendant un instant Mihiko ne sut comment réagir. La toilette de l’inconnu et sa prestance ne laissaient pas penser qu’il fut un homme de basse condition mais dans le même temps la désinvolture et la raillerie dont faisaient preuve Wang Work et Tan Zaemon induisaient qu’ils se connaissaient bien ; suffisamment bien pour que l’inconnu ne se sentent pas offensé par leurs propos. Le Maitre Mimuji leva bientôt le voile sur l’identité du mystérieux inconnu :
─ C’est cela et bien plus encore mes Frères, c’est un Zhuge, conclu Mimuji d’un ton entendu et plein de malice.
─ Un Zhuge, laissa échapper Mihiko.
Le ton de ses paroles avait devancé sa pensée. Mihiko prit conscience de l’erreur d’étiquette qu’elle venait de commettre : il était très inconvenant de laisser transparaître sa consternation. Elle baissa les yeux et se tut. Alors qu’elle levait discrètement les yeux en direction du Zhuge pour guetter sa réaction, elle constata avec surprise que ce dernier avait comme anticipé son mouvement et la contemplait, circonspect. Un léger sourire se forma sur ses lèvres et il déclina enfin son identité en s’inclinant respectueusement :
─ Je m’appelle Zhuge Yoshitaka, Premier Ministre du Shu et Fils du Vénérable Zhuge Liang, Dame Mihiko, c’est un honneur de partager ce moment en votre compagnie.
A son tour Mihiko s’inclina en priant pour que son erreur ne lui cause aucun tort. Pourquoi ne s’était-il pas présenté ? Pourquoi la fixait-il avec tant d’assiduité ? Que faisait le premier ministre d’une force rivale du Aku — qui ne reconnaissait pas Mitsuhide Akuchi comme Empereur — auprès des plus fidèles serviteurs de ce dernier ? Mihiko but une nouvelle gorgée de saké en réfléchissant aux raisons et implications de la présence de ce personnage dans ses appartements. « Je suis si sotte » songea-t-elle ; Moi, qui pensait qu’ils me manifestaient de l’intérêt il ne sont là que pour des jeux politiques… une idée surgit dans l’esprit de Mihiko : « Peut-être sont-ils venus ici pour ourdir un complot contre l’Empereur ? » Sclérosée par l’effroi, son corps ne lui répondit plus et la coupelle de saké qu’elle portait à sa bouche lui échappa et chut sur le sol.
─ Vous allez bien Dame Mihiko ? s’enquit le Maitre du Dragon Divin.
La jeune maïko au service de Mihiko se pressa en direction de sa maitresse.
─ Pardonnez-moi mes seigneurs, je suis d’une incorrigible maladresse sous l’effet de l’alcool, bredouilla l’Oiran pour tenter de ne pas perdre la face.
Alors que la maïko se hâtait de ramasser les débris qui jonchaient le parquet luisant devant sa maîtresse, Mihiko entreprit de l’aider à rassembler les éclats. L’un d’entre eux, plus tranchant que les autres, entailla son doigt profondément et lui arracha une grimace. Instinctivement, Mihiko compressa son index au dessus de la blessure tandis qu’une grosse goutte de sang perlait à son extrémité. Lorsque plusieurs perles écarlates touchèrent le sol elle manqua de défaillir.
─ Maîtresse, chuchota la maiko qui avait cessé son nettoyage pour la soutenir.
Zhuge Yoshitaka, qui se situait près d’elle, se leva, mit délicatement sa main dans la sienne et plongea l’autre dans la manche de sa propre tunique.
« Regardez-moi, Dame Mihiko. »
Ces mots prononcés d’une façon étrangement mélodieuse, apaisèrent instantanément Mihiko sans qu’elle ne sache pourquoi. Elle obéit, et ne put s’empêcher de plonger son regard dans les yeux émeraude du fils de Zhuge Liang.
─ Ceci est un onguent de ma composition capable de guérir les blessures légères très rapidement. Dans quelques minutes, vous n’y penserez même plus.
Yoshitaka retira la main de sa manche, son index était surmonté d’une petite noisette de pâte verte odorante qu’il appliqua précautionneusement sur la blessure de la jeune fille. Une douce chaleur envahit bientôt la main puis le bras de Mihiko et lorsque Yoshitaka eut fini de oindre l’extrémité de la phalange, Mihiko put détacher son attention des yeux du Zhuge et constata que plus aucune trace de blessure n’apparaissait.
L’Oiran semblait être la seule à s’étonner de ce qui venait de se passer. Les trois magistrats d’Emeraude profitaient du spectacle pendant que Yoshitaka reprenait paisiblement sa place. Même sa servante semblait s’être désintéressé de ce que fut sa blessure. Profitant des applaudissements sonores de Tan Zaemon et de Wang Work, Shoki s’avança légèrement vers Mihiko et lui dit à voix basse :
─ Yoshitaka est issu d’une lignée de mystiques. Ce qu’il fait ou dit nous échappe parfois mais c’est quelqu’un de bonne compagnie quand il est vraiment là.
─ Quand il est vraiment là ? Que voulez-vous dire Maître Mimuji ?
─ Disons que parfois son corps n’est plus tout à fait la demeure de son esprit, expliqua Shoki en se rasseyant.
Mihiko était de plus en plus perplexe. Quelque chose qu’elle n’arrivait pas à définir lui échappait ; bien qu’elle fut dans ses appartements, elle ne se sentait pas à sa place. A la douce euphorie qu’avait suscité la venue des magistrats d’émeraude succédait maintenant une insidieuse suspicion : que faisaient ces hauts dignitaires du pays dans une maison des plaisirs? Elle avait pensé jusqu’à présent qu’ils venaient chercher la douceur de la compagnie des femmes, une sorte d’interlude dans leur quotidien violent mais désormais elle n’en n’était plus très sûre. Une fois de plus, elle sentit l’attention du premier ministre du Shu posée sur elle. Quelque chose chez cet homme la mettait mal-à-l’aise. Elle se sentait évaluée, jaugée ; durant tout le début de la soirée elle n’avait même pas prêté attention à sa présence mais maintenant il lui semblait qu’il n’y avait plus que Lui dans la pièce.
Enfin, le fils de Zhuge Liang daigna dégusté une gorgée du saké. Il la savoura en silence et les yeux fermé puis, une fois la coupelle reposée, il s’adressa à Mihiko :
─ Dame Mihiko, vous ne nous avez pas fait part de vos projets d’avenir, quelle genre de vie souhaiteriez-vous lorsque Wang Work aura pacifié les Terres du Milieux ?
Lorsque Mimuji Shoki entendit la question de son frère d’armes, il contempla avec appréhension Mihiko puis posa un regard réprobateur sur Yoshitaka :
─ Yoshitaka…
Face à la question du Premier Ministre la jeune fille se sentie désemparée. Elle prit la mesure de l’impact que sa nouvelle vie avait eu sur elle ; des mois durant on l’avait formé à ne prendre en compte que les désirs de ses futurs clients, à discourir, à calligraphier, à jouer du shamisen. Son ascendance lui avait assuré un statut privilégié ; on la dispensait des tâches domestiques ingrate pour préserver sa fraîcheur et sa beauté. L’éducation qu’elle avait reçu au château d’Azuchi lui avait permise d’être élevée au rang d’Oiran provoquant des jalousies parmi ses « sœurs ». Ses journées été réglées comme du papier à musique et toute son attention été porté sur son apprentissage. Sa survie dépendait des bonnes grâces de l’Okiya et surtout de l’intérêt que lui portaient ses seuls clients. Rien de ce qu’elle faisait n’était entreprit pour son propre plaisir mais seulement pour l’intérêt d’autres personnes. Elle ne s’appartenait pas, la seule emprise qu’elle avait sur son avenir dépendait de sa capacité à satisfaire d’autres individus qu’elle-même… et cet homme le savait. Un sentiment de vide d’une profondeur insondable l’envahit puis la colère lui succéda. Tout Premier ministre qu’il était, comment pouvait-il avoir l’ignominieuse cruauté de lui poser cette question ? Il savait quel serait son avenir, il savait ce que furent et seraient ses conditions de vie, il savait qu’elle n’avait aucun pouvoir de décision sur elle-même. La seule chose qui était en son pouvoir était d’endurer. Est-ce là son but en posant cette question ? L’avait-il soigné pour après lui faire endurer cette humiliante prise de conscience ? Mihiko sentit les larmes lui monter aux yeux et dans un élan d’orgueil elle se força à les retenir. Elle ne craquerait pas, elle l’endurait lui comme elle endurait sa condition.
─ Je l’ignore, mon seigneur, ce qu’il adviendra de ma personne ne dépend pas de moi.
Kiba : substituer le jugement à l’empathie
D’aucuns diraient que la Vie est un combat au cœur duquel se trouve la Vérité. La multiplicité des conceptions du monde a toujours généré des conflits d’intérêts meurtriers et il est de notoriété publique que ce sont les vainqueurs de ces conflits qui imposent leur vérité.
Les vaincus n’ont pas d’autres alternatives que de se soumettre ou de mourir mais qu’en est-il des idées qui ont poussés des êtres à s’affronter ? A la manière des êtres vivants, les idées peuvent-elles mourir, peuvent-elles être soumises ? La Vérité est-elle toujours du côté du vainqueur ?
La victoire est-elle un jugement du vainqueur sur le vaincu ou le jugement de la Vie sur des idées erronées ? Comment résoudre un conflit ? Par le fil de l’épée du Jugement ou par la douceur de l’empathie ?Si ce sont les idées à l’œuvre dans les âmes des êtres vivants qui les poussent à s’affronter pourquoi ôter la vie à ces êtres ? Ne serait-il pas préférable d’entendre les idéologies qui les poussent à agir et de les éduquer en ayant le Réel pour seul Maître ?
Dans la quiétude d’un vallon où serpente une rivière, un jeune sauvageon adossé à un arbre somnole. Les vestiges d’étoffes grossières qui recouvrent son corps laissent entrevoir une peau de bronze parsemée d’anciennes meurtrissures. Sa respiration profonde couvre à peine le doux borée qui agite les feuillages.
Sur les coteaux, un soudain frémissement venu du Nord parcourt la végétation séculaire stoppant net le dodelinement insouciant de la tête du jeune homme. Il ôte son couvre-chef de paille, scrute le ciel un instant en direction du Nord puis ramasse le morceau de bois taillé qui repose près de sa couche improvisée. Après de rapides étirements, et un bâillement dont l’écho se fait entendre dans toute la ravine, il se dirige vers le cours d’eau pour s’y désaltérer .
À une dizaine de mètres de l’onde, derrière un mur d’immenses fougères, se tapit un loup géant au pelage gris ; l’animal contemple sa proie sans bouger depuis plus d’une minute, ses beaux yeux jaunes suivent chaque mouvement de son futur déjeuner. Il observe patiemment le jeune homme qui lui tourne le dos et ne semble pas l’avoir remarqué… une fraction de seconde plus tard le loup fond sur le sauvageon tous crocs dehors. Le claquement sec de la mâchoire du loup retentit tandis que son hypothétique repas a déjà bondi sur le côté pour esquiver l’attaque.
Les pieds dans l’eau, les genoux à demi-pliés et le bout de bois dans sa main droite, le sauvageon observe attentivement le canidé sur la berge. Leurs yeux se croisent, puis leurs regards se font moins intenses, lentement leurs postures respectives se détendent ; Là, dans l’intimité de leurs esprits un échange commence entre les deux êtres. Un dialogue inaudible et mystérieux venu du fond des âges— le murmure des esprits— vestige d’une époque où l’Homme et la Bête arpentaient la terre en égaux face à la puissance de Mère Nature.
L’indicible conversation est faite d’images, de sons et d’émotions. Il est question d’un appel, du grand chêne, d’un visiteur et d’une menace dont la simple évocation trouble l’échange psychique du loup et du sauvageon.
» Rejoignons le Grand Trent, Frère », avec agilité le sauvage se hisse sur l’improbable monture géante et ces derniers, en quelques bonds, s’enfoncent dans la forêt à vive allure. Le poing solidement refermé sur une touffe de poils, le jeune homme voit défiler la végétation de cette forêt qu’il a appris à connaitre depuis tant d’années. Combien d’hivers se sont écoulés depuis son arrivée sur l’île ? Depuis combien de temps n’a-t-il plus vu son père qui lui a transmis le langage des hommes, l’art du combat au sabre et un nom : Kiba Miyamoto.
Avec un certain effort, il tente de retrouver les traits du visage de celui qui lui a donné la vie, la voix de cette image paternelle qui lui a transmis le peu de connaissances qu’il possède sur ses semblables humains. Ce qu’il ne peut oublier est l’odeur de son père, mélange subtil de sa propre odeur mêlée à des senteurs qui viennent d’au-delà de la mer : l’odeur du monde des hommes. Ces réminiscences olfactives le ramènent dans le passé, le temps où tout n’était que découverte et émerveillement ; le temps où, au creux des racines du Grand Trent son père lui narrait l’histoire de ses aïeux. Le père de son père, Musashi, était un chevalier de Gaïa de la meute de Fenrir —l’ombrageux Père Loup qui arpentait jadis le continent oriental des Hommes— Bien qu’il fut humain, Musashi n’avait pas perdu le lien qui l’unissait à Gaïa et combattait aux côtés de seigneurs de guerre contre un curieux humain —Cao Cao— qui revendiquait la propriété absolue du continent oriental. Ce détail avait intrigué le jeune enfant qu’il était et il s’était empressé de demander comment une créature mortelle aussi insignifiante qu’un humain pouvait prétendre détenir une partie de Gaïa ? Les humains, enfants de Gaïa dotés d’intelligence, semblaient ne pas comprendre, ou ne pas vouloir comprendre, que leur Mère à tous n’était la propriété de personne. Ainsi, son père lui avait répondu que les humains passaient leur temps à s’entretuer pour une chimère qu’ils avaient eux-mêmes appelé Pouvoir. Aujourd’hui encore le sens de ce mot lui échappe — curieux langage que celui des hommes. Bien que leur parler soit censé leur permettre d’appréhender la réalité et de communiquer entre eux il est empli d’idées et de mots qui ne reflètent en rien la véritable nature du monde. Lorsque Kiba fut plus âgé, son Père et l’Esprit des arbres —Le Grand Trent— lui avaient expliqué que, coupés de Gaïa, les humains n’étaient plus capables de percevoir le monde avec une parfaite acuité. Cette cécité partielle avait engendré dans leurs esprits une compréhension limité de leur environnement ; ils ne faisaient plus vraiment parti de Gaïa et désormais leur horizon se confinait à leur propre existence, à ce que les Hommes dénommaient Culture.
Soudainement, le loup stoppe net sa course effrénée sortant Kiba de ses rêveries. Au centre de la clairière, virevolte un étrange papillon couleur améthyste bientôt rejoint dans son ballet par une myriade de congénères. Leur progression est lente, le battement de leurs ailes parait irréel comme s’ils évoluaient non dans de l’air mais dans un liquide sirupeux.
Dilly Dally -19 /01/2015 – la Mécanique Ondulatoire (Paris) écrit par PATRICK BRETELLE
La mécanique ondulatoire est un pb disposant d’une cave très bien aménagée pour recevoir les groupes, situé en plein quartier Bastille, à deux pas du disquaire Born Bad, et ce leiu est à la mode.
Les barmens sont sympa, le prix des conso n’est pas excessif, et on peut y entendre de la bonne musique, comme ce soir le groupe canadien Dilly Daily.
C’est par hasard que nous avons découvert ce groupe qui existe depuis 2009 et qui est tout simplement excellent. Ils jouent une sorte de grunge dans unne formation basse-batterie-guitare solo- guitariste chanteur. Leur sens de la mélodie est très clair, et la guitariste soliste a un son excellent, très fluide, qui donne une couleur spéciale aux chansons et attire l’oreille . C’est une femme, comme quoi les macho n’ont qu’à aller se rabiller. La chanteuse est jolie, ceci dit, et l’on parlait anglais dans la salle. Nous vous conseillons ce groupe dont le son est assez original et dont la demoiselle soliste donne une leçon de guitare aux tristes hard-rockers overlookés que nous entendons le dianche après-+midi sur les ondes FM. Nous vous recommendons ce groupe, qui certe n’invente rien, mais le joue impecablement.
Patrick Bretel