Chapitre IX : « le collier d’Ibiza »

 

Le père d’Alexandre conduisit son fils jusqu’à l’aéroport de Roissy.Depuis qu’Alexandre était parti de la demeure familiale, le père avait fait la rencontre d’une femme et en avait été tout de suite séduit. Au cours d’une soirée de jour de l’an,Ils avaient partagé leur secret : Yolande était également veuve et ils s’étaient suffisamment rapprochés l’un de l’autre pour se fréquenter régulièrement et échafauder des projets d’avenir. Et pendant que le père ,au volant , lui racontait tout cela, Sa nouvelle vie, son bonheur retrouvé, il lui donna des nouvelles de son frère.

Celui-ci était aussi parti du nid familial pour vivre à Rueil-Malmaison chez une femme un peu plus Agée que lui. Que la maison était calme sans eux ! Le père d’Alexandre projetait d’ailleurs d’aller revivre chez sa mère afin de bénéficier d’un peu de compagnie et en attendant de pouvoir s’installer avec sa belle.

 Alexandre était heureux de pouvoir ainsi discuter avec son père. Depuis deux ans qu’il vivait avec Bahia il l’avait peu revu et c’était incroyable comme son père incarnait à ses yeux tout un passé d’excès et de bonheur. Bonheur de vivre et d’aimer Bahia, bonheur d’être entouré d’une multitude d’amis fêtards, bonheur de vivre en famille sans avoir à se soucier de rien.  Car si son contrat à durée déterminée au Louvre s’était terminé quelques mois auparavant, Alexandre arrivait en fin de droits ASSEDIC et après ses vacances ,il devrait se remettre à rechercher du travail .

 Alexandre prenait l’avion quasiment pour la première fois de sa vie. Au décollage, il avait senti frémir en lui l’aura des vacances avec sa ville, son pays qu’on quitte , l’inconnu qui s’offrent à vous, et avec lui tout son lot de dépaysement. Le nez collé sur le hublot, Alexandre avait goûté la corolle des  nuages que l’avion survolait ou pénétrait. C’était merveilleux de voir le paysage de Si haut ! Puis, L’avion avait atterri. La porte s’était ouverte sur une atmosphère à 32 °C. En descendant Alexandre s’était senti subitement enveloppé dans un manteau de chaleur. Le décor devant ses yeux lui évoquait un paysage plutôt désertique, avec dans l’air une légère poussière de sable, des palmiers tout  autour évoquant une végétation méditerranéenne. Elza l’avait accueilli en se jetant dans ses bras. Elle était toute bronzée, depuis une semaine qu’elle lézardait sur les plages d’Ibiza. Ses cheveux ondulés pas encore sec retombaient sur un T-shirt court aux épaules et lâche autour du cou, sous lequel ses petits seins pointaient. Le T-shirt, kitsch, surmontait un short riquiqui Lequel laissait apparaître de longues jambes bien dessinées que des bottes cachaient  jusqu’aux mollets : Elza était superbe.

 Son petit brin de femme l’invita à bord d’un gros 4×4 à serpenter à travers de petites routes bordées de forêts espagnoles dont le vert des arbres paru tout de suite inhabituel à Alexandre .À Ibiza,la végétation abreuvée sans doute par trop d’exubérance solaire, arborait des nuances de verts fluorescents, ou disons d’un vert émeraude superbe !  À 5 km de l’aéroport, la voiture quitta la route pour prendre un petit sentier longé de villas dont les fleurs qui les décoraient étaient d’un ton rouge et violet irréel . Ils s’arrêtèrent un peu plus haut, dans la cour d’une immense demeure agencée autour d’une piscine aux reflets bleu pale très purs dans lesquels venaient  danser les entrelacs infinis des rayons du soleil .

 Elza convia Alexandre à la suivre dans une bâtisse plus éloignée. Il entra dans une grande pièce ayant une cuisine américaine ,visita les deux chambres. La maison était bordée d’une petite piscine qui surplombait une étendue d’arbre vert fluorescent, des villas en contrebas perdues au milieu des arbres, tandis qu’ au loin se dessinait la ligne d’horizon d’une mer d’un bleu de Prusse piquant, laquelle mer  semblait perdu au milieu de cette végétation touffue et dense à la chlorophylle magique.  La forêt luxuriante au milieu de laquelle ils étaient ,comptait, Alexandre les dénombra,  jusqu’à 14 verts d’un ton fluorescent différents.

 Après qu’il eut posé ses valises, Elza se laissa effeuiller docilement sur un matelas posé à même le sol de la pièce. Il remarqua tout de suite qu’Elza ne portait plus le joli collier qu’il lui avait offert et qu’elle avait jusque là gardé sur elle sans jamais le quitter tel le symbole de leur amour. Elza resta très discrète sur la façon dont elle l’avait perdu, incitant Alexandre à l’embrasser plutôt que de penser à ce symbole qu’elle semblait maintenant considérer comme enfantin,  Naïf et ridiculement niais.Alexandre qui aimait Elsa d’un amour il est vrai un peu naïf, en fut touché et blessé. Pendant qu’ il la déshabilla il ne put s’empêcher de penser à un acte de félonie de la part d’Elsa. Ne l’aimait-t’elle  plus comme avant ou alors était-ce cette île de toutes les tentations  qui l’avait transformée pendant son absence, avec ces fêtes arrosées de drogue, sa musique techno envoûtante et destructrice de tout amour romantique, ses amours faciles où le collier avait du être arraché durant un ébat sauvage, sur une plage d’Ibiza, ou dans ce lit lui- même où Alexandre, perturbé, lui faisait mollement l’ amour, sans ressentir lorsqu’il fut en elle la même magie qu’autrefois.  Elle le remarqua et ne lui en tint pas rigueur. Après tout, comme elle le disait souvent, rien ne les obligeait à une performance sexuelle qu’elle jugeait par ailleurs ridicule .

 Mais à partir du moment où Alexandre avait posé les pieds dans la villa et depuis le moment où il avait remarqué la disparition du collier, rien ne fut plus pareil entre eux. Elza se montrait moins aimante, plus acerbes et distante face à la romantique étreinte d’Alexandre dont elle jugeait le manque d’autonomie rédhibitoire. Elle revendiquait des moments de solitude et d’indépendance que contrariaient les élans d’Alexandre, toujours prompt à la prendre dans ses bras et à la couvrir de baisers étouffant. Alexandre en fut vivement affecté. Heureusement il y avait le soleil et la magie d’Ibiza qui le distrayait. Avant d’aller s’étendre sur une plage couverte d’un monde bigarré et aux corps décorés de Persings, de tatouages tribaux , Alexandre et Elza se rendaient dans le centre-ville sur un des scooters qu’ils avaient loué.  Hormis la vieille ville Et son port dominé par un fort rustique aux rues pavées bordées de commerçants en tous genres et qu’Alexandre trouvait fort charmant, la nouvelle ville aux immeubles bas lui semblait des plus quelconque et il se demandait en lui-même pourquoi Ibiza était tant prisée. Il n’avait pas encore eu la possibilité d’en apprécier les fêtes des boîtes de nuit ,nombreuses au kilomètre carré dans Ibiza même, et qui faisaient toute la renommée de l’île.

Alexandre passa la première semaine presque exclusivement en compagnie d’Elza. Loin du corps de bâtiment principal de la villa , qu’occupaient le frère d’Elza avec ses amis. Le soir, Alexandre entendait la musique envoûtante de leurs fêtes, sans pouvoir y participer comme Elza ne souhaitait pas se mêler aux amis de son frère. Alexandre les imaginaient autour de la piscine, après un dîner au barbecue, dansant nu. Certainement devaient-ils être en compagnie de naïades rencontrées en boite de nuit. Certainement n’étaient-elles pas les dernières à boire, fumer des joints,s’emplir le nez de coke,ou à se disjoncter les neurones à grands coups d’extasy ou d’acides …

Ce ne fut qu’une semaine plus tard, lorsque les amis terribles furent envolés que les parents et la soeur d’Elza , julie accompagnée de son mari, débarquèrent à Ibiza. Alexandre et Elza investirent une chambre proche de celle de Julie et son mari , qui longeait la grande piscine de la villa. Disposée en « U » autour de la piscine , la villa abritait aussi les chambres de Fulvio, le cousin et du frère qui avait cédé sa grande chambre aux parents qui prirent position de l’autre cote de la piscine,dans un bâtiment séparé. L’après-midi les deux soeurs nageaient longuement au milieu des ondulations lumineuses de la piscine. On écoutait de la musique, tout en lézardant sur les transats. Les un lisant, d’autres discutant. Alexandre se roulant des joints pour avoir le plaisir de les griller en pleine chaleur, la tête envoûtée de rêves. Car tout cela le faisait rêver. Alexandre adorait la famille d’Elza, son père si gentil et classe, sa soeur si prévenante à son égard. Bien sûr, il déplorait l’éloignement récent d’Elza et se demandait si il était possible qu’Elza soit devenue si soudainement indépendante, sans oser imaginer qu’elle puisse être moins amoureuse.

Un soir, tandis que les deux soeurs jumelles, fatiguées, s’étaient retirées dans leur chambre respective, Alexandre était resté au bord de la piscine à deviser avec le mari de Julie. Ils semblait bien s’apprécier tous les deux. Lui était originaire de New Delhi. Il avait rencontré julie au cours de ses études de commerce international. Et pendant un voyage à Las Vegas, sur un coup de tête, loin de leur famille, le couple avait décidé de se marier ; ne faisant, à leur retour, qu’une petite fête en cercle restreint pour marquer l’événement. Le père de julie , comme à son habitude si respectueux des décisions de ses filles, avait tout de suite accueilli la nouvelle avec bonheur ; chérissant ce nouveau gendre qui lui offrirait peut-être un petit fils un jour. Cela faisait quatre ans que Julie avait épousé son mari. Avec l’aide du père , ils avaient pu créer cette fameuse start up  dont les bénéfices s’annonçaient enfin substantiels.

Alexandre et le mari de Julie avaient trop bu au point d’être saouls comme des cochons. Le haschisch les avaient mis d’humeur à faire la fête. Aussi décidèrent ils de partir sans les filles s’encanailler dans les discothèques d’Ibiza, histoire pour Alexandre d’enfin goûter à la véritable magie de l’île. Ni l’un ni l’autre n’en avait le droit car ils n’avaient pas le permis : ni une ni deux, les compères de beuverie volèrent un des scooters de la famille , et décrétèrent que mordicus ils se rendraient en ville quitte à braver la nuit noire qui avait enveloppé Ibiza.

Alexandre conduisit. L’attention nécessaire au bon maniement du scooter l’avait dégrisé. Le vent qui s’engouffrait dans ses yeux , lui giflait aussi la face comme pour le maintenir éveillé et en alerte. sous sa main la manette d’accélération faisait vrombir le moteur dans leurs oreilles. Tous deux trépignaient à l’idée de cette escapade interdite. Elle leur semblait une salutaire bouffée d’oxygène au relent de mystère et d’inconnu. Allaient-ils retrouver le chemin de la villa distante de plusieurs kilomètres du centre-ville ? Peu leur importait : c’était les vacances et Ibiza la séductrice lascive allait se livrer à leurs yeux de novices. Alexandre  reconnu , arrivé au rond point donnant sur le centre-ville, le chemin à travers les rues illuminées, qui les mèneraient au vieux port où étaient les boites de nuit. Une fois rendu, ils palpitaient d’émotion en garant le scooter devant la boite : la rue noire de monde étaient pleine de scooters, moyen habituel des habitants d’Ibiza pour se déplacer. Il devait y avoir une cinquantaine de scooter alignés contre le trottoir.

Devant Alexandre ahuri, le mari de Julie déboursa cinq cents francs par personne pour s’acquitter du droit d’entrée. La situation parut surréaliste à Alexandre habitué à la centaine de francs des boites de nuit parisiennes qu’il fréquentait. La boite était noire de monde et gigantesque. Plusieurs pistes de danse, autant de dj, partout des lumières colorées projetées sur les murs avec des flash stroboscopiques. des bars dans toutes les salles et tout le monde qui paraissait déchiré à déjà deux heures du matin. Filles comme garçons d’ailleurs , lesquels étaient un condensé de persings,tatouages et tenues de jet setter. Toutes les nations se mêlaient sur la piste, des allemands, nombreux à Ibiza, aux espagnols bien sûr, en passant par les anglais et les français. Alexandre se fit la réflexion qu’il fallait être riche ici pour s’amuser. Le prix d’une seule boisson équivalait le prix d’entrée des boites  de Paris : cent francs ! Cela le laissa songeur… . Ils restèrent trois heures dans la boite, passant leur temps à vaquer d’une piste de dance à l’autre, d’un bar à l’autre, finissant de se saouler dans l’ambiance électrique des  rythmes de la techno aux sons synthétiques calqués sur les battements de coeur . Sons envoûtant et dévastateurs …

Ils repartirent tandis que le soleil n’était pas encore levé, à la limite de la nuit et du jour. Au sortir de la ville, tandis qu’ils arrivaient au rond point un spectacle tragique les pétrifiait d’horreur. A l’entrée du rond point : une voiture arrêtée, le capot encore fumant. Devant elle un scooter renversé et le cadavre d’un jeune homme, immobile, la tête encastrée dans le pare-brise. Le jeune homme ne portait pas de casque, les deux passagers de la voiture pas de ceinture non plus, avaient la tête ensanglantée et également encastrée dans le pare-brise. Tous les trois étaient gravement blessés ou mort.  Aucun ne bougeaient. La police était déjà sur le lieu de l’accident : un agent régulait la circulation, attendant que ne vienne une ambulance. Un instant Alexandre cru qu’ils seraient contrôlés et sommés de présenter un permis de conduire, ce qui ne se produisit pas.  Les flics espagnols les laissèrent passer . Ils étaient tout heureux d’avoir franchi le contrôle, heureux et bourrés, eux qui avaient déjà bien du mal à croire que dans leur état, ils pourraient retrouver leur chemin…

Ils racontèrent leur aventure aux deux sœurs dans l’après-midi. Elles les réprimandèrent doucement d’autant de légèreté, les exhortant de ne plus prendre autant de risques . Alexandre venait de goûter aux fabuleuses nuits d’Ibiza … et bien la boîte de nuit à l’effervescente ambiance ne lui avait pas semblé si dépaysante finalement.

La famille d’Elza resta dix jours, durant lesquels on se régala de viande grillée, de chipolatas et de succulentes salades. On fit quelques mémorables sortie encore, puis tout le monde partit. Alexandre et Elza restèrent en  tête à tête, dans une ambiance de plus en plus morose pour leur couple. C’est alors que Elza dont sa torpeur envers les hommes avait dû la reprendre, fondit en larmes à l’idée de quitter ses chats et entra dans une colère monstre devant l’apathie et l’indifférence que lui témoignait Alexandre qui se sentit démuni comme une poule à qui on vient de couper la tête, devant tant de simagrées. Bien mal lui avait pris , entre eux ce fut bel et bien fini. Elza souhaitait même qu’il reprenne l’avion immédiatement. Il ne sût pas pourquoi elle se ravisa.

Tout de même ils firent chambre à part et seulement quatre jours après Alexandre lui demanda si ils pouvaient faire l’amour une dernière fois . Elza consentit à lui ouvrir son lit. Il la fourragea avec force et détermination, un peu violemment même, en se gardant consciemment d’être tendre . Et après avoir éjaculé il la sodomisa, tirant sur ses cheveux, lui griffant le dos en agitant son joli petit cul dans tous les sens au point de la faire jouir. Après, Elza fut plus calme, elle était moins agressive et redevenue presque tendre avec Alexandre. C’est fou, dit-elle, comme un bon coup de bite… et… je ne sais pas… tout est bien … .

Certes ce fut le cas quelques jours, malheureusement l’attention nouvelle qu’ils se consacraient l’un à l’autre retomba, et Elza se montra jusqu’à la fin un peu distante et méchante. Ils firent encore quelques jolies balades sous le soleil merveilleux d’Ibiza, découvrirent des plages désertes et fabuleuses où les ibicencos, à même le sable, créaient des empilements de galets comme autant d’autels mystiques dédiés à l’immensité. Ils se rendirent encore et toujours sur les créneaux du fort d’Ibiza pour admirer la mer et le port…

Dans l’avion du retour, Elza se montra très douce et demanda à Alexandre qu’il la prenne dans ses bras. Il espéra que leur idylle reprenait vie, elle de lui faire savoir qu’elle ignorait la raison de ce besoin d’être rassurée. Tous les deux de passer le reste du voyage à rêver chacun dans son coin, pour, à Paris, se séparer et repartir chacun de son côté, Alexandre la mort dans l’âme.

Le périphérique parisien parut bien terne à Alexandre. Il faisait beau pourtant. Il y a que ses yeux étaient encore tout impressionnés et imbibés des lumières d’Ibiza, ses couleurs, ses collines aux arbres dont le vert est si particulier. C’est exactement cela, lui manquaient à Paris la fluorescence de la végétation, ces verts si piquant et cette incomparable odeur de vacances. Son père venu le chercher dîna avec lui dans son petit deux pièce. Alexandre raconta ses vacances, l’éloignement d’Elza, son désespoir, l’amour qu’il lui vouait toujours et cette rupture incompréhensible… Elza était un petit brin de femme bien étrange décidément.

 

 

 

Bonsoir Patrick 🙂
P.R : Bonsoir
Je travaille en ce moment sur Histoire de Max Ernst et Leonora Carrington, et de fil en aiguille je suis tombée sur vous 😊 exposez-vous vos oeuvres prochainement ?
Patrick Rakotoasitera : En novembre à Paris dans une petite galerie normalement. Ou en septembre.
Vous écrivez sur Max Ernst ?
Non je suis comédienne et je joue Leonora Carrington qui a été la compagne de Max Ernst pendant 3 ans, dans une pièce qui s’appelle la fiancée du vent
Le récit de leur passion amoureuse et de leur séparation à cause de la Seconde Guerre mondiale, puis de l’internement de Leonora en hôpital psychiatrique à Madrid
P.R : Ah je ne connaissais pas leur histoire. Je vous avoue que le travail de Max Ernst me parle modérément. Et j’ignorais que Leonora avait été internee
Confidence pour confidence, le travail artistique de Leonora me parle plus que celui de Max 😉
Elle raconte son internement dans le livre «en bas», il a duré quelques mois
P.R : Vous avez réussi à intégrer des élément probant de sa personnalité. (je lirai le livre)
Certains éléments de sa personnalité sont plutôt proche de la mienne, mais certains autres, notamment les délires mystiques ou les brusques changements d’humeur sont moins évidents pour qui ne les a pas expérimenté dans son corps… mais nous sommes encore en phase de travail 😉
P.R : Ah elle a été considérée bipolaire même si le terme est appliqué depuis quelques dizaines d’annee
Ah tiens! À la lecture de son récit je la voyais plutôt psychotique, car elle avait de vrais et puissants délires mystiques
Il y a de beaux passages dans «en bas» où elle raconte comment elle comprend et réarrange l’univers et le cosmos avec ses produits cosmétiques
P.R : Les bipolaires sont des psychotique. Mais au regard de ce que vous avancez elle serait peut être plus considérée comme schizophrène. Délire mystique, remplacement de la réalité par un sentiment de toute puissance, comme la croyance en des pouvoirs supposés en sont le lot
Oui absolument c’est tout à fait ça! Elle parle aux humains et aux animaux par vibrations, se voit comme la libératrice du monde asservi par le mal (nazi en l’occurence), sent une telle puissance en elle qu’elle peut détruire le monde entier par un seul regard
Et de même, un regard peut la détruire
Le Cardiazol n’est peut-être pas étranger à ces sensations, il a été interdit
Depuis
P.R : Schizophrène donc. Votre interprétation doit en être d’autant plus forte. Je veux dire que vous avez la l’occasion de restituer la force du délire, la puissance qui devait émaner d’elle. En état de toute puissance vous êtes doté de la certitude et de l’assurance que la prise de cocaïne provoque chez certain. Mais la vibration que vous ressentez vous emporte aussi bien. Un instant, une pensée suffisent pour ravager votre bonne humeur et vous plonger dans un malheur dont aucun autre être humain ne peut imaginer le retentissement sur vous. Et surtout une telle énergie peut vous faire faire presque n’importe quoi
Merci pour cette description qui m’est très utile!!! je connais la sensation de la cocaïne, je vais donc creuser dans cette direction pour essayer de trouver les sensations corporelles et les émotions qui s’y rapportent
P.R : Il faut aussi que vous sachiez pleurer et imiter les stigmates de la terreur ressentie quand vous étiez entrain de rire avant. On peut même être ebêté ou rester interdit de long instant, tant vos émotions, vos pensées sont fulgurantes. Au point de vous confronter avec une dimension existancielle ultime. Après vous être congratulee intérieurement d’avoir une appréciation si inouïe de l’humanité, le délire correspondant à des disgretion et des glissement de sens abusif, comme des corrélations, des inductions et déductions erronées , vous désirez vous confronter à l’ultime vérité. De la un basculement mystique peut opérer qui tient à la superbe de vos pensées, et à la personne exceptionnelle que vous devez être pour en être à l’origine. Il n’y a plus qu’un seul glissement interprétatif à réaliser. La reconnaissance de votre singularité par Dieu. Le sentiment est totalement envahissant alors, en vous combattent toutes les raisons de votre imposture avec la réalité de la jouissance que procure la certitude d’être un élu de Dieu. Il ne vous reste plus qu’à déterminer votre mission
« tous ici savent que je suis le Saint-Esprit incarné dans l’ange du bien. Ma mission est de soumettre Van Ghent et de sauver Madrid. Une fois Madrid guérie j’irai voir Franco et je lui expliquerai tout.» ( extrait de la pièce)
Aimeriez-vous venir voir une répétition lors de la prochaine résidence et éventuellement me conseiller sur l’interprétation ? En tout cas les quelques mots que vous avez déjà écrits vont être très précieux pour moi, car ils me permettent d’avoir une vision plus concrète de données forcément un peu abstraites
P.R : Quand je pense ou dis de telle choses mes proches me disent que mon visage habituellement plutôt agréable à regarder est totalement transformé au point que mes proche y voient une autre personne…
P.R : Oui avec plaisir
Votre regard ou l’ensemble de votre visage ?
Oh super!! Ça serait vraiment génial d’avoir vos conseils!!
P.R : Ma tante bien sur insiste  le  regard mais d’après elle tout le visage est modifie
Peut être est ce du à l’afflût sanguin
D’autant que vous êtes peintre contrairement à nous, vous avez donc une expérience de la matière graphique que nous n’avons pas, ce n’est pas les cours d’arts plastiques que j’ai pris à Boulogne cette année qui ont pu vraiment me donner ce toucher 😉
P.R : Merci
Peut-être mais dans ce cas le visage serais simplement congestionné et rouge, il doit y avoir aussi des expressions autres, des muscles qui bougent différemment peut-être
P.R : Certainement
Super si ça vous dit, je serais vraiment très heureuse que vous puissiez venir voir le travail et me dire ce que vous en pensez!! La prochaine résidence est en avril, il y a encore le temps
P.R : Ce qui est étonnant est la diversité de la palette de sentiment ressentis
Ok
Est-ce qu’il y a des sentiments qui vous sont totalement étranger en temps normal, où ces sentiments sont-ils connus mais largement amplifiés ?
P.R : Plutôt connus de par la répétition des crises, mais leur ampleur est toujours incroyablement déconcertante. Je ne m’énerve jamais, pourtant un évènement politique tragique aura la capacité de me plonger dans un sentiment d’injustice, puis une colère, une rage qui surprend indéniablement tant par sa brutalité que son intensité
Et est-ce que l’expression de ces sentiments est proportionnelle à leur intensité? Par exemple, plus vous êtes en rage intérieurement, plus vous allez défouler votre colère sur quelqu’un ou quelque chose, ou alors vous pouvez être ravagé par un sentiment extrêmement fort à l’intérieur et votre corps restera assez calme ou prostré ?( vous me dites si je vous embête avec mes questions surtout, je ne voudrais pas être intrusive!!!)
P.R : Je crois et ce point de vue manichéen n’engage que moi, que si j’avais un mauvais fond je serais agressif envers autrui, mais ce n’est pas cela.
Oui ça paraît logique!
Donc l’expression à l’extérieur n’est pas forcément proportionnelle à ce que vous pouvez ressentir à l’intérieur
P.R : Mon sentiment est politique, il me faut absolument répondre à l’injustice au risque de ne pouvoir vivre normalement. Je crois que Leonora je ne la connais pas du tout pourtant, était pareille
Dans ce que j’ai pu lire d’elle ou sur elle, l’injustice n’avait pas l’air d’être son moteur premier
La question de la liberté semblait plus centrale
Bien sûr on peut trouver des corrélations
P.R : D’accord, toutes atteinte aux liberté fondamentale est insupportable pour elle ? J’aurais été sur la même onde si je l’avais rencontre
Vous l’interprètez  comme une hystérique parfois ou pas ?
Oui absolument! C’est d’abord son corps qui se coince et se confond avec les freins de la voiture dans laquelle elle se trouve, qui se coincent également. D’après elle c’est la première fois qu’elle confond son corps et l’extérieur, qu’il n’y a plus de limite entre elle et le reste. Puis tout se met à tourner autour de la lutte entre le bien et le mal, les juifs et les non-juifs, les bons et les mauvais, ceux qui souffrent et ceux qui asservissent
Non jamais comme une hystérique, plutôt comme une ultra émotive dont les émotions et les rythmes changent, parfois brusquement
P.R : C’est bien, il ne faut surtout pas laisser songer cela
Oui tout à fait! J’ai regardé quelques reportages, et je n’ai vu aucune hystérie chez ceux qu’on interne en HP. La plupart avaient même un discours et un comportement très cohérent selon leur vision du monde, et c’est principalement cette vision qui les différencie des gens «normaux», pas leur discours ou leur comportement
P.R : Qd à son sentiment de decorporation un état yoguique particulier peut l’engendrer, de la a adopter un point de vue philosophique universel avec soi pour possible perspective est comprehensible quand on ne sait pas que sortir de son corps est possible
L’occasion peut-être pour moi de relire ce livre (sur les voyages hors du corps )que je n’ai jamais vraiment mis en pratique…
Mon parcours : Quand j’étais enfant, durant les grandes vacances, j’assistais à des représentations de théâtre dans le petit village de mes grands-parents : « La Famille Magnifique » venait jouer sur des tréteaux sur les places des marchés, et j’étais fascinée par leurs histoires, c’était un plaisir intense de les voir jouer et j’attendais les représentations avec beaucoup d’exaltation! C’était mon rendez-vous de l’été. J’ai commencé à prendre des cours de théâtre, et c’est vite devenu ma passion! Je voulais devenir comédienne, mais mes parents, inquiets pour mon avenir, m’ont conseillé de faire des études. En fille obéissante j’ai donc fait une licence de lettres et un master d’édition, puis j’ai commencé à travailler dans l’édition de bande-dessinées. Il ne m’a pas fallu deux ans pour me rendre compte que je ne supportais pas de travailler dans un bureau! Je sentais que j’étais faite pour autre chose. Je suis donc devenue musicienne car j’avais une formation de violoncelliste. Je me sentais mieux, mais là encore il me manquait quelque chose, je savais que l’ennui viendrait un jour ou l’autre, et je ne pouvais pas m’imaginer « faire cela toute ma vie ». J’ai donc repris des cours de théâtre pour me professionnaliser, et ça a été une évidence : ce métier ne m’ennuierait jamais, il était une passion profonde et c’est là qu’était ma place! Après avoir pris des cours j’ai commencé à travailler et je suis maintenant comédienne, au théâtre et en voix principalement. Chaque projet est une source sans fin d’apprentissage, de découverte et d’émotions intenses! Et même si cette vie d’artiste est précaire et parfois angoissante, je ne changerais pour rien au monde, tant ce métier me passionne!  
 
Comment je perçois Leonora Carrington : Leonora est une toute jeune femme de 22 ans lorsqu’elle rencontre Max Ernst. Elle a déjà admiré ses oeuvres, et Max devient vite son amant, son amour, et son mentor artistique. Leonora a un caractère passionné, très entier ; pour elle la tiédeur n’existe pas, elle adore ou elle déteste, et c’est une anti-conformiste née. Sa relation avec Max Ernst lui permet de s’épanouir, à la fois en tant que femme et en tant qu’artiste. Mais la deuxième guerre mondiale va les séparer après trois années de bonheur…
Lorsque Max est fait prisonnier pour la seconde fois au Camp des Milles, Leonora bascule dans un délire schizophrène. Elle raconte son délire et son internement en hôpital psychiatrique dans le livre « En Bas », que je me suis procuré. Ce qui m’est apparu tout d’abord, c’est la violence de ses émotions, et la teneur mystique de ses « délires ». J’emploie les guillemets volontairement, car la folie est toujours définie par rapport à une norme, à ce que le plus grand nombre tient pour normal et sain. Quelle différence entre un medium par exemple, qui entendra et verra des choses invisibles aux yeux de la plupart des gens, et un schizophrène? Pourquoi certains ont-ils un « don de clairvoyance » quand d’autres sont rangés dans la catégorie des fous? Tout cela est très relatif en fonction des époques et des cultures…
La teneur mystique de ses délires montre que Leonora tente de mettre de l’ordre dans un monde qui n’en a plus : son unique amour a été fait prisonnier, la guerre éclate et les nazis progressent, elle est poussée par une amie à fuir la France… Ses divagations sont finalement une protection contre le chaos ambiant, et l’investissent d’un pouvoir et d’un contrôle absolu sur les gens, les animaux, les événements politiques, qu’elle n’a évidemment pas dans la réalité. C’est tout à fait cohérent vu de l’intérieur : c’est une jeune artiste surréaliste, qui travaille beaucoup avec son inconscient pour élaborer ses oeuvres, et dont le psychisme trouve là le moyen de s’échapper d’une réalité insupportable.
Le personnage que j’interprète est donc une jeune femme extrêmement émotive et réactive, aux sentiments violents et parfois contradictoires. Elle peut être perçue comme « folle » par le spectateur car elle s’éloigne de plus en plus de la norme des comportements acceptables socialement, et tient des discours qui peuvent sembler décousus ou violents – et pourtant ils sont bien moins fantaisistes qu’ils n’y paraissent! Elle est dans une sorte de fièvre permanente, voit et entend des choses invisibles, mais son parcours, de la maison de Max à Saint Martin d’Ardèche à l’hôpital psychiatrique de Madrid, constitue paradoxalement une forme de délivrance et d’accomplissement pour elle. A l’issue de son internement elle sera « délivrée » de ses délires, certes, mais elle aura surtout acquis une autonomie, une indépendance, une force intérieure qui lui faisaient défaut avant cette expérience, et qui lui permettront de devenir une femme et une artiste complète, n’ayant plus besoin d’une figure tutélaire pour exister. Je suis persuadée (mais cela n’engage que moi) que cette expérience extrêmement violente lui aura été indispensable pour devenir la grande artiste qu’elle a été par la suite, en lui permettant de se connecter aux forces obscures de son âme, et de se « délivrer » (c’est elle qui emploie ce mot) de l’emprise de Max Ernst.
Nous jouerons cette pièce du 20 mai au 1er juin au théâtre de l’Epée de Bois / Cartoucherie de Vincennes, tous les soirs à 20h30 sauf le lundi. Représentation supplémentaire les samedis à 16h

 

LA FIANCÉE DU VENT from Le Temps Présent on Vimeo.

 

LA FIANCÉE DU VENT

De tes cils glisse une larme,

rivière à l’onde de laquelle je

me mire, curieux de tes eaux

limpides, fraîches, à la fois

vive et douce tel le liquide

amiotique, verte rivière

serpentant à travers la

montagne, mais combien de

sombres et tristes pluies tes

yeux ont-ils ruisselées ? Dois

je monter jusqu’à la source de ta source en amont ou

rejoindre la vallée où la

larme à du se perdre à quelques confluents

limbiques ? Pendant que

penché sur toi, je regarde

tes yeux magnifiques

diamants d’eau magiques, les

courroies d’un dragon de fer

déchirent l’équilibre de notre

tête à tête. Je plonge et suis

comme en plis de toi, draps

froissés droit forcé de

combattre l’hydre… Et me

filent entre les doigts les eaux

de ton être comme une poignée de sable… Ton eau

est à nouveau sereine… Je

te goutte…

 

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Voici une séance de peinture qui s’annonçait bien. Une lumière correcte et une envie de peindre appréciable. J’entame la carnation du personnage le plus âgé de ma représentation et très vite je me suis rendu compte combien je m’étais fourvoyé à tout vouloir peindre au pinceau zero.

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L’étape intermédiaire ne m’encourage ait pas plus. Mon sujet était bariolé comme une peinture impressionniste involontaire… Je persistais quand même dans mon erreur. Au final une fois estompée, la peinture est comme pleine d’embu, cette coloration marron qui survient quand faute de maîtrise toutes les couleurs s’emmêlent. Et je suis d’autant plus déstabilisé que j’ai mal placé la lumière sur le corps de la mère de Cain. Résultante de la spécificité de ma démarche : je ne fais pas de travaux préparatoires pour jauger des couleurs et des tonalités finales, donc il est des moments où vous avez beau tout envisager, le motif vous échappe. Tout est donc à recommencer. Fort heureusement, la peinture à l’huile vous en laisse toujours la possibilité.

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Peintre du Ay Fanahy, Homme de l’année 1997 pour la Culture à
Madagascar médaillé de la Ville de Paris, entre autres, Jean
Andrianaivo Ravelona vient de célébrer le grand jubilé de ses cinquante
ans de peinture en France. Organisé au Château d’Asnières en décembre
dernier, ce fut un des grands événements de l’année pour la Ville
d’Asnières et la Diaspora malgache en Europe. Dans cette interview
l’artiste a retracé le cheminement de son art 

J’aurais pu être musicien mais c’est vers la peinture et les arts plastiques
finalement que s’est dirigé mon choix

Comment la peinture est-elle venue à vous Jean Andrianaivo
Ravelona ?

J’ai commencé par le dessin avant de me mettre à la peinture. J’ai
suivi des cours de dessin pendant trois mois et je suis ensuite entré
aux Arts Appliqués Malagasy à Ampasampito en octobre 1968. En première
année, mon professeur de peinture Dadanesy, ou Ernest Rakotondrabe m’a
tout de suite pris sous ses ailes. C’est sous ses directives et ses
indications que j’ai réussi à faire mon premier tableau en décembre
1968. Après mes quatre années d’études, ma manière de peindre a évolué
vers le « Classique réalisme » entre 1972 et  1975. Je me suis
alors mis à peindre la nature telle qu’elle dans mes tableaux. Puis je
me suis dirigé vers le clair obscur.

D’où puisez-vous vos ressources ?

Les scènes romantiques, surréalistes, dramatiques telles que 1947
furent parmi mes sujets préférés. Très influencé par Michel Ange,
Raphael, Rubens, Rembrandt, je me sens habité au fond de moi-même par
les âmes ou les tourments de ces maitres. Après
« Tourment » (1976-1978), je suis arrivé à une phase aux styles très
diversifiés : cubisme, surréalisme, abstrait, tachisme etc. C’est
pendant cette période dite « Découverte » entre 1979 et 1981 que j’ai
capté intuitivement le message me confirmant la peinture comme ma future
carrière.
1981 a été marquante dans votre carrière dites-vous, dans quelle mesure ?

Courant 1981, j’ai quitté la bureaucratie pour me consacrer
définitivement à la peinture. J’ai démissionné de mon poste de Chef de
Service Promotion au Centre national de l’artisanat malagasy (Cenam),
pour réaliser ma vocation d’artiste. Ma carrière professionnelle de
peintre a ainsi démarré le 3 Mars 1981, une étape décisive qui a marqué
ma période  dite « Espoir ». Pendant quelques années, le grand
espoir a régné dans mon esprit et mon âme. Mais plus tard, ma vision du
monde a complètement changé. Sur la toile, l’unique soleil visible s’est
réparti en particules de lumières dans chaque objet. J’ai découvert
aussi pendant cette période dite « Lumière », située entre 1985 et 1988,
des thèmes visionnaires, futuristes et cosmiques.

Votre peinture semble avoir parcouru des époques différentes, comment avez-vous réussi à les situer ?

Les « six périodes » ont été définies sur plusieurs années après les
avoir traversées selon le sens de chaque période. Elles n’étaient jamais
connues à l’avance, sachant qu’au niveau de la création, je me laisse
guider par mon inspiration et mon intuition sans établir à l’avance le
terme  à venir. Pour les définir, je me suis fait aider par des
connaisseurs et historiens.

Après mes quatre années d’études, ma manière
de peindre a évolué vers
le « Classique réalisme » entre 1972 et  1975

Comment s’est développé le Ay Fanahy qui définit votre style de création ?

Le Ay Fanahy est issu des périodes précédentes : Classique,
Tourment, Découverte, Espoir et Lumière qui, regroupés, ont fait naitre
un style nouveau. Avant la création du nom, je me suis préparé quelques
mois, puis au moment où l’inspiration était à son comble, le mot Ay
Fanahy s’est imposé en moi. Ay signifie intuition. L’origine de ce mot
malgache vient de très loin, depuis le continent de la Lemurie. Fanahy
peut se traduire par esprit ou âme. J’ai déjà ressenti le Ay Fanahy
depuis ma petite enfance. Il symbolise la vibration de l’âme, l’amour,
et m’a fait visionner différentes choses dans ma vie qui se sont
vérifiés après.

C’est donc avec la création de ce style que le peintre Jean Andrianaivo Ravelona est véritablement né ?
Après sa création, le Ay Fanahy a poursuivi son chemin. L’inauguration
officielle de l’exposition à la Galerie du Madagascar Hilton en 1990,
par le Ministère de la Culture, a été le véritable coup d’envoi du Ay
Fanahy. Sur le plan de la création, les sujets, les thèmes de ma
peinture peuvent se diversifier mais le Ay Fanahy demeure le Cœur. Après
la création libre d’une œuvre suivant l’inspiration, je passe à leur
classification. C’est ainsi que son nés les différents thèmes
« Vers… », « Réminiscences », « Vision de
l’âme », « Visages et Lovakolo ». À partir de mon style
de peinture, j’ai aussi créé le Ay Fanahy Therapy ou Relaxation Ay
Fanahy.

En quoi consiste-t-il ?

La relaxation picturale Ay Fanahy ou Ay Fanahy Therapy est un outil
pour positiver le stress, diminuer les lourdeurs et ressentir le
bien-être au quotidien à partir des œuvres Ay Fanahy. Tous ceux qui
possèdent mes œuvres de créations Ay Fanahy peuvent expérimenter et
bénéficier de cette méthode. J’ai découvert la Relaxation Ay Fanahy en
1992, suite à de multiples tests et expérimentations sur différentes
personnes. Le système est basé sur la philosophie du Ay Fanahy :
l’équilibre de la matière avec l’âme ou la rencontre du réel avec le
spirituel.

Il s’agit donc d’une méthode spécifique ?

Absolument. Une séance de concentration détendue, guidée et focalisée
sur,ou à partir d’une œuvre Ay Fanahy donne lieu à l’élévation de
l’énergie positive chez chacun. Créées à partir d’une méditation
profonde, les œuvres Ay Fanahy contiennent des molécules d’ondes
positives. En outre, je pense avoir hérité le don de mon grand-père,
guérisseur traditionnel et chrétien fervent, et dont la canalisation
énergétique passe plutôt à travers la peinture. Au premier niveau, la
séance consiste en une lecture picturale des œuvres Ay Fanahy. Au
deuxième niveau, la pratique requiert des séances méditatives au
quotidien. J’organise souvent la Relaxation Ay Fanahy à travers mes
expositions.

Vous avez célébré le Jubilé de vos cinquante ans de peinture en France, cela a dû être une belle fête ?

Le jubilé pour le demi-siècle de mon parcours s’est déroulé au
Château d’Asnières, un endroit historique, du 30 Novembre au 9 Décembre
2018, sous le thème « De Madagascar à Asnières, Le voyage d’une vie ».
Dans un premier temps s’est tenue l’exposition de mes soixante œuvres
Rétrospectives depuis 1968, et des séances de Relaxation Ay Fanahy
Therapy. Seize artistes peintres de l’association Mamelomaso ont été
invités et ont participé au Jubilé. Faffa et Tomino, du groupe
SORAJAVONA ont animé musicalement l’exposition. Les jeunes talentueux
Ludy Soa et son frère Nathan ( ndlr : chanteur du groupe « Les
enfants de la terre » de Yannick Noah) ont également été présents.

Quels œuvres avez-vous exposé lors de l’évènement ?

J’ai occupé les deux grandes salles « Galerie du Château » pour
présenter les six périodes dont : les premières œuvres (1968), la
période Classique Réalisme (1972-1975), la période Tourment (1976-1978),
Découverte (1979-1981), Espoir (1981-1984), Lumière (1985-1987).
Ensuite, les créations AY Fanahy de 1988 à 2018, sous différents thèmes
(Vers…, Réminiscences, Vision de l’âme, Lovakolo ou Patrimoine). Suivant
le souhait de la Ville d’Asnières, on a organisé dans le cadre de
l’exposition, la Relaxation picturale Ay Fanahy. Un certain nombre de
personnes ont eu des résultats satisfaisants en expérimentant la
méthode.

Vous avez parlé de l’association Mamelomaso tout à l’heure,
mais d’autres artistes ont également pris part à ce journaliste. Qui
sont-ils ?

Effectivement, comme le Château dispose beaucoup de salles, nous en
avons profité pour inviter d’autres artistes à venir exposer dans le
cadre du Jubilé. Ils ont collaboré ensemble avec moi dans le chemin de
l’art. Quelques présidents et membres de salon où j’ai obtenu des prix,
où j’ai été invité d’honneur, ont répondu à mon invitation tels
qu’Elisabeth Delcenserie, Bernard Eche, Marie-Joseph Devaux, Bernard
Montagnana. Des artistes proches et ceux qui m’ont aidé : Béatrice De La
Petteliere, Chitran Raya, Pietr Betlej, Bassil Franco sont également
venus. Le Collectif des artistes malgaches en France était présent avec
Hazzavana, Gaston Randriambolaharisoa, Jean Michel Razanatefy (ses
œuvres) Georges Razana M. Les jeunes artistes que j’accompagne à
Madagascar étaient là : Le RAMAH et KANTO Natiora. Je n’oublie pas
mon fils Tiavin’ANDRIA pour la discipline digital art.  Par
ailleurs, la Ville d’Asnières a spécialement invité Hafiz Pakzad,
artiste asniérois très connu, comme Invité d’honneur de la Ville.
L’association MAMELOMASO a présenté à cette occasion l’histoire et le
Patrimoine de Madagascar.

Vous avez aussi inséré dans vos programmes le «Concert du jubilé». Y a-t-il une raison particulière ?

Le Concert du Jubilé constitue le troisième volet de l’événement.
L’idée vient de la Ville d’Asnières : celle de créer une synergie
entre la peinture et la musique. Étant passionné de la musique bagasy et
classique, j’ai proposé la
« musique écrite » ou les œuvres des maitres et auteurs classiques
malgaches et universels. C’est ainsi qu’en première partie, nous avons
programmé les compositions et transcriptions d’Etienne Ramboatiana, le
Mozart malgache, interprétées par KOLO Mozika. Un groupe composé de très
bons musiciens, riches en potentiels tels que Mialy et Mahefa Ramanana
Rahary à la guitare, Hanitra Thibaudin au violon, Faly Andrianaly qui
joue du hautbois, Irina Andriamanjato au piano ont joué la composition
de Naly Rakotofiringa.

Le concert reflète également votre goût pour l’art lyrique et surtout celui revisité au goût malgache, n’est ce pas ?

Je ne peux pas le nier. Vololomboahangy Andriamanday, par exemple, a
interprété avec un air bagasy au piano « Ry toera-manirery ». Mara
Carson, compositeur et professeur de musique, a interprété ses oeuvres «
Rondo malgache » évoquant un voyage culturel très riche parcourant tout
Madagascar et « Koidava » issu de musique transe mais élaboré à la
manière classique. La deuxième partie du Concert a été réservée aux
maitres classiques. J’ai invité le pianiste Mahery Andrianaivoravelona,
professeur de musique en Conservatoire et concertiste qui, de par son
brillant talent, a merveilleusement emmené toute l’assistance au cœur
des grands classiques de Chopin, Debussy, Liszt, ou encore Schumann.

Avez-vous eu l’occasion de montrer vos talents cachés de musicien et poète dans ce concert ?

Effectivement, la musique est mon violon d’Ingres. J’ai une grande
passion pour la poésie aussi. J’aurais pu être musicien mais c’est vers
la peinture et les arts plastiques finalement que s’est dirigé mon
choix. Ma préférence particulière est le bagasy. C’est l’héritage
culturel émanant des ancêtres qui ont fortement imprégné mon
inspiration. Initié à la guitare bagasy à l’âge de huit ans, j’ai étudié
plus tard la guitare classique, puis j’ai commencé à composer vers
1984.
Dans la première partie du concert du Jubilé, j’ai joué une de mes
compositions en bagasy, écrite en 5+7 pour guitare, et le morceau «
Sompatra », une transcription de Etienne Ramboatiana.
Par rapport à la poésie, la poétesse MRG a fait quelque déclamation de mes poèmes lors de cette soirée du Jubilé.

Que retiendrez-vous en particulier de la célébration de ce jubilé ?

C’est ma plus grande et importante réalisation événementielle depuis
cinquante ans. Malgré quelques difficultés, les objectifs sont largement
atteints. Tous les participants ont été ravis d’avoir pris part et de
s’être retrouvés, ensembles, à cet événement. Le public français, la
communauté franco-malgache ne cesse de témoigner leur totale
satisfaction et ont gardé d’excellents souvenirs. La Ville hôte a
beaucoup investi matériellement à la réussite de l’événement. Aussi, ce
fut également une belle expérience sur collaboration avec la diaspora,
très fière, qui a activement appuyé le projet. Le message du Ay Fanahy
est bien passé.

À quoi ressemblera l’avenir, immédiat notamment ?

Après le jubilé en France, le projet d’exposition continue pour les autres pays pour 2019.
Des célébrations dans ce cadre sont prévues en Allemagne, en Belgique et
notamment à Madagascar. Par ailleurs, l’encadrement des jeunes artistes
ou futurs artistes à Madagascar font partie de mes projets pour 2019.
Commencé en 2017 à Antananarivo, le programme de formation se poursuivra
cette année. D’ailleurs, quelques uns d’entres eux en ont déjà leur
promotion en France. À partir de cette année, je me consacre également
davantage à la transmission du savoir pour la diaspora en France.