Chapitre VI : Le travail au Louvre

Son boulot, Alexandre l’avait dégotté par la voie la plus usuelle : l’Agence Nationale pour l’Emploi. Et tout lui avait semblé facile. D’abord il y avait eu ce test simple auquel on lui avait demandé de se conformer. Il s’agissait de faire des additions, des soustractions, et une division : histoire de vérifier qu’il n’était pas complètement débile. Puis vint l’entretien où il n’eut qu’à montrer sa bonne bouille pour que d’office on le brancarde  » agent de sécurité », affecté à la surveillance du Louvre. Site merveilleux s’il en est, dont il ne surveillait pas directement les trésors, plutôt les abords. En surface, là où sur l’esplanade trône la pyramide transparente ; et dans la  » cour carrée » attenante. Jusque, sous la pyramide, ne franchissant jamais la zone de contrôle des billets, ni ne devant s’aventurer au-delà des limites du musée, toujours sous la pyramide, là où commence la galerie commerciale. Chaque jour il changeait de poste, pouvait être affecté au « tube », l’ascenseur de l’entrée de la pyramide qui prend en charge les handicapés et les  » Very Important Personne ». A un des nombreux postes fixes quadrillant l’espace sous la pyramide. Ou alors, était-il chargé de réguler le flot des entrées de la pyramide, ou d’arpenter ses alentours à la recherche des pickpockets et des vendeurs à la sauvette. Ou lui était-il confié la mission d’accueillir, toujours en surface, les groupes sous le « passage Richelieu » dont un escalator menant aux billetteries leur était spécialement dédié. Lui préférait être dehors même par grand froid. Tant sous la pyramide le murmure de la foule perdue et son déplacement assourdissait plus qu’un marteau-piqueur. En fait, Alexandre avait tout de suite aimé ce job payé un peu plus que le revenu minimum. Car avec trente mille visiteur par jour, des têtes toujours différentes régalaient sa vue, et il y avait toujours des évènements distrayant qui émaillaient ses journées d’intérêts particuliers. N’importe quoi pouvait se produire, il fallait s’attendre à tout. Être sur le qui vive, à l’affût. Et le cadre était proprement grandiose, avec la possibilité qui lui était offerte de visiter le musée quand bon lui semblait. Et si son accès aux souterrain du Louvre lui était limité, sa gigantesque dimension labyrinthique connues des seuls pompiers, ses passages secrets  réservés aux conservateurs et aux transports des œuvres, la dimension imaginaire de ses rêverie en étaient décuplée. Comme de savoir que sous la pyramide, galerie commerciale comprise, plus de mille personnes travaillaient : une petite ville en vérité, et dotée d’infrastructures sportives, d’une cantine, et tout un tas d’autres choses… Ville fourmillante charriant son lot de passions secrètes, de fraternité ou de rivalités, de drogues, de ragots, de sueur et de petites mains.

Par dessus tout, Alexandre appréciait d’être choisi par les jeunes filles pour figurer sur une photo souvenir. De plus, il y avait ces femmes qui de temps à autre lui laissaient leur numéro de téléphone. L’une d’entre elles, Céline, l’avait dragué ouvertement. Et bien qu’il ait su que Bahia réprouverait catégoriquement, se targuant, au delà de la fidélité de lui être loyal, il l’avait rappelé profitant de ce que Bahia était en voyage. Comme ils l’avaient convenu, ils s’étaient rencontrés chez elle tôt le matin. Lui avait apporté des croissants pour l’occasion. Bien entendu malgré le fait qu’elle fut mariée, Céline était seule chez elle. Coïncidence ? Son mari était parti en voyage disait-elle. En une demi-heure ils eurent fait le tour de leurs occupations réciproques. Céline travaillait dans un salon de coiffure, et, ambitieuse, elle avait la ferme intention d’ouvrir sa propre boutique de soins capillaires. Elle était ambitieuse, elle l’avait déjà dit, leur conversation tournait en rond et ni l’un ni l’autre ne savait que faire pour entamer les choses sérieuses. C’est là qu’Alexandre remercia son imagination de lui avoir suggérer de l’interroger au sujet des performances sexuelles de son mari. Car elle avait beaucoup à en redire. Elle était délaissée par des voyages sempiternels et maudissait le sort de ne pas rencontrer d’hommes. Il n’en fallait pas plus pour qu’Alexandre soit sérieusement émoustillé. Littéralement il avait sauté sur elle pour l’embrasser. Mais c’était trop tard. Ils avaient trop parlé. Son mari devait rentrer sur le champ d’après elle. Alexandre n’en fut que plus excité. Il la pressa de le suivre dans la chambre, ce qui n’était pas difficile tant Céline était en manque. Aussi prestement que possible il lui enleva sa culotte après avoir relevé sa jupe et enfila une capote, pour deux minutes après en remettre une autre, et cinq minutes plus tard, après des gesticulations de plaisir aiguës mais rapides, éjaculer de nouveau, et c’était fini. Ils l’avaient fait. Juste le temps de prendre une douche ensemble ensuite. De se dire que ce manque de temps est dommageable et qu’on passerait bien une nuit entière à se montrer ce qu’on sait faire, parce qu’on a aimé quand même. Juste le temps d’un dernier baiser, et Alexandre était parti. Et parti pour ne plus jamais la revoir comme, plus tard dans le mois, il avait tenté de la recontacter et était tombé sur son mari très fâché, qui lui avait dit qu’il avait viré sa salope de copine… .

Alexandre avait eu d’autres aventures avec des inconnues, sans conséquences pour son couple, pensait-il. Mais c’est de révéler par niaiserie à sa tendre aimée le traquenard que lui avaient tendu ses collègues pour le pousser dans les bras de l’inexpérimentée Claude qui précipita sa chute aux yeux de Bahia. A l’aube de l’été, poussé par un coup de soleil sur la tête, et beaucoup d’inconsciente bêtise, il faut dire, car ces choses là doivent rester secrètes, il s’aventura à discuter avec Bahia de cette fameuse soirée de beuverie entre collègues. De comment on avait profité de ce qu’il avait la descente facile pour le saouler et une fois beurré le mettre dans le lit de Claude, pauvre vierge attardée qui avait ému tout le monde avec son amour pour Alexandre, lequel était, semble-t-il, le seul à l’ignorer. Il avait dit à Bahia combien, profitant de ce qu’il ne savait plus ce qu’il faisait, Claude l’avait embrassé et masturbé, et déjà c’était plus qu’il n’en faut pour offusquer Bahia. Laquelle avait contenu ses larmes mêlées d’une colère terrible et sut lui soutirer les vers du nez, en lui faisant admettre qu’une fois passée cette faiblesse, à supposer qu’il ait jamais s’agit d’une faiblesse, il l’avait tout de même également dépucelée, et qu’en l’occurrence c’était impardonnable toute cette sordide aventure. Vraiment il lui avait brisé le cœur. Elle pleurait à chaudes larmes. C’était un porc ! Un fieffé salaud ! Bahia hurlait maintenant, prise par des spasmes de rage. Tout remontait à la surface de sa conscience. Mon Dieu, que n’avait-il pas gardé une occasion de se taire ? , pensait Alexandre, tout ému par le flot de reproches qui se déversait sur sa pauvre tête comme s’il eut s’agit d’un véritable sac d’ordures. Oui, non seulement elle avait dû vivre deux ans avec son abominable frère par la faute de sa fainéantise ! Non seulement il l’anéantissait toujours lorsque, comble du mépris pour autrui, et pour elle, il ne savait que se terrer dans son mutisme lors des engueulades ! Non seulement ils ne partaient jamais en vacance ! Non seulement il avait osé l’humilier devant ses propres amies en se foutant de sa gueule avec son alcoolisme ! Mais en plus maintenant et peut-être depuis toujours il la trompait, au mépris impardonnable de l’amour fidèle qu’elle lui avait toujours témoigné ! Elle était bien tombée des nues ! Mais c’était clair maintenant, elle voyait dans son jeu de salaud qu’il se foutait de sa gueule et l’avait bien prise pour la pauvre conne ! Mais elle n’était pas n’importe qui, elle se vengerait : il pouvait en être sûr. Bien évidemment dorénavant ils n’étaient plus ensemble : elle le larguait, c’était décidé.  » Tu peux me dire combien d’autres il y en a eu, maintenant… Combien ?! Combien ?! Combien ?! COMBIEN ?! Quatre ? Cinq ? Dix ? Plus ? Avoue salaud !  » …. Bahia était devenue hystérique.

La vengeance de Bahia fut effective seulement un an après et celle-ci fut terrible pour Alexandre. Avant ce temps, il semblait qu’ils s’étaient rabibochés sur l’oreiller comme à chaque fois. Mais durant l’année deux évènements mirent le feu aux poudres. Le premier : la mort de la grand-mère de Bahia l’avait mise sans dessus dessous, l’avait plongée dans une mélancolique tristesse qui lui avait semblé augurer la mort accomplie de ses années de jeunesse. D’ailleurs, c’est comme si une barrière morale de plus avait cédé en elle. Plus rien ne la rattachait, pensait-elle, à la morale marocaine de soumission des femmes à leur mari. La douleur était immense mais plus rien n’entravait sa liberté de femme occidentale assumée. Non qu’elle eut considérée sa grand-mère, si ouverte d’esprit, comme une barrière, mais plutôt comme le dernier lien qui la rattachait à sa famille, laquelle incarnait à ses yeux l’austérité et l’obscurantisme de mœurs surannés qu’elle rejetait de tout son cœur. Un deuxième évènement survint vers la fin de l’année : dans une salle de sport qu’elle fréquentait, elle retrouva un de ses anciens amis. Olivier qui s’occupait du bureau universitaire de sa fac de sociologie et de qui, il y avait longtemps, elle avait dit à Alexandre qu’elle le trouvait beau. Hardi le garçon et bien que la sachant casée, il avait tout de suite essayé de la coincer dans le vestiaire. D’abord offusquée elle s’était dégagée, et il en était resté là. Mais bougre, la chance était avec lui. Il se trouva que cet été là, Bahia pût consulter le dossier médicale d’Olivier, comme elle travaillait en qualité de secrétaire dans le cabinet médicale qu’il fréquentait. Le dossier indiquait qu’Olivier avait de multiple partenaires sexuelle, c’était un chaud lapin, un de plus décidément. Et fermement décidé à lui faire la cour, déesse qu’elle avait toujours été, lorsqu’il la vit, oubliant son échec précédant, il l’invita à diner dans un restaurant sympathique, avait-il précisé. Or, si Alexandre lui cuisinait toujours des plats succulents, il ne l’invitait jamais au restaurant. Elle avait donc dit  » oui  » , le soir même  » non  » à son baiser, mais elle avait hésité. Olivier était grand et beau et il n’en démordait pas, de tout son cœur, il la désirait. Elle se sentait faiblir et finalement devant tant de gentille insistance elle dit oui, un soir où ce lourdaud d’Alexandre avait cru qu’elle dormirait chez une amie. Finalement ils faisaient l’amour aussi souvent que possible, frénétiquement, durant de longues heures de bonheur. Et Alexandre n’y voyait que du feu. Elle éprouvait maintenant un léger mépris pour la gaucherie de son ancien amoureux, et du mépris aussi devant tant d’aveuglement. Mais comme elle avait changé dés le premier soir où elle avait couché avec Olivier, Alexandre en avait ressenti un doute dans son honnêteté envers lui, tenant à je ne sais quoi d’une attitude inhabituelle. Bien vite il avait voulu ne plus être conscient. Même si maintenant, et à son plus grand désespoir, il constatait des traces de jouissances dans ses sous-vêtements, dont il n’était pas la cause. Et plusieurs fois Bahia avait refusé de se donner à lui, ce qui finit de le blesser au plus haut point. Le coup fatal lui fut porté lorsqu’il se rendit compte combien elle était amoureuse de son bellâtre. Quand les hommes vivent de tromperies d’un soir le plus souvent les femmes ne se donnent pas à un autre sans être amoureuse. Mais le clavaire d’ Alexandre n’augmenta que lorsqu’il sut vraiment. Et ce fut lors d’un voyage de bahia en Belgique avec la nouvelle compagnie de théâtre qu’elle avait intégré pour jouer une pièce inédite, qu’il apprit au téléphone de la bouche d’une de ses camarades perfide et sans doutes un peu trop jalouse de Bahia, que celle-ci durant leur temps de repos était partie avec un homme dont Alexandre rageait d’ignorer à qui il avait à faire. A son retour, au téléphone, il fit avouer à Bahia qu’elle le trompait bel et bien et elle se rendit à l’évidence sans vouloir rien dire de plus sinon qu’elle lui en parlerait une fois chez eux. Ce qu’elle ne fit qu’à demi-mot, révélant quasiment rien de son nouvel amour. Dans la cabine, l’être d’Alexandre s’était brisé tel un vase jeté du septième étage. Il avait senti à son tour ce déchirement de son cœur dans sa poitrine. A ce moment là il le sentit : de roi , il était redevenu serviteur aux yeux de Bahia , laquelle ne voulait pour rien au monde rompre avec Olivier, même si son couple devait en périr. Cette situation tragique pour Alexandre qui, pire que tout, ignorait tout de son rival, le fit sombrer dans une grave déprime et il crut devenir fou. Fou de jalousie, se méprisant lui-même de fouiller frénétiquement dans les affaires de sa bien aimée déesse que pour rien au monde il ne voulait perdre. Jalousie dévoratrice et abaissante qui ne l’empêchait pas de sentir Bahia glisser entre ses doigts de lourdaud et le laissait plein de haine envers lui-même. Si déconcerté par ce sentiment qu’il n’avait jamais ressenti avant… Il lui arrivait de pleurer à chaudes larmes.

Chapitre V : L’installation dans l’appartement 

Après deux ans de vie commune, et au bonheur de Bahia, Alexandre, peut-être gagné par un réalisme naissant, se décida à trouver un emploi capable de lui faire assumer le budget d’un loyer. Il ne trouva rien de mieux qu’agent de sécurité, certes dans un cadre prestigieux : le Louvre. Les voilà donc enfin prêts pour le grand saut lui et sa compagne de chaque instant. Ils choisirent  un appartement et le seul qu’ils visitèrent jamais se trouva être le bon. Il s’agissait d’un deux pièces aux parois plutôt exigües, mais charmant appartement donnant et sur la rue et sur un jardin privatif accessible à tous les locataires du petit immeuble où ils allaient vivre enfin chez eux. Les cinq cents mètres carré du jardin rachetaient à leurs yeux leurs trente mètres carré de surface habitable. Cette étendue où on n’avait pas encore posé de gazon augurait de sublimes parties de barbecue avec leurs amis. Et ma foi, l’intérieur de l’appartement était vivable. On entrait dans un couloir minuscule, ne pouvant pas même contenir un vélo, lequel donnait sur ce qui ferait office de petit salon, le tout décoré sobrement d’une petite télévision, une petite table, une petite étagère pour les papiers, le téléphone et basta. Et tandis qu’à cette première pièce s’ajoutait une kitchenette coincée contre la fenêtre où on tenait difficilement à deux, le salon se continuait par une chambre, exigüe elle aussi, où pour gagner de la place trônait une mezzanine, sous laquelle Alexandre avait l’intention de faire tenir son bureau et une étagère de sa fabrication pour ses livres. Le reste du deux pièces se prolongeait par une salle de bain assez longue mais mince dont toute la place était mangée par un utile cabinet de débarras. Qu’à tout cela ne tienne, ils avaient signé le bail très enthousiaste, sans se méfier de ce que leur propriétaire était un roublard.

Après toute cette attente, ils s’étaient enfin sentis chez eux, heureux de leur nouvelle vie. Lui partait le matin travailler au Louvre. Elle faisait la grâce matinée. C’était son tour. Il n’y avait que le mercredi qui était le jour désigné de son activité professionnelle, le jour où elle devait s’activer. Mais la plupart du temps le soir venu, madame se faisait servir un dîner sorti de l’imagination de son amant préféré. Il la gâtait sa reine, elle, au début, à peine capable de faire cuire un œuf. Et le week-end quand il ne travaillait pas, ensemble, ils s’amusaient à faire le ménage. C’était nouveau et drôle, leur petite vie. Moins d’amis leur rendaient visite mais ils s’en fichaient. Ils s’aimaient au point de se suffire. D’ailleurs leurs sublimes étreintes n’avaient jamais faibli et ils avaient baptisé l’appartement à leur manière, faisant bientôt sauvagement l’amour dans tous ses recoins. Le week-end, quand ils ne s’attardaient pas dans la mezzanine pour se bécoter, s’il faisait beau, ils recevaient dans le jardin, ouvrant la fenêtre de leur chambre pour y entrer et sortir sans avoir à faire tout le tour de l’immeuble. Catherine, fidèle parmi les fidèles, venait s’étendre avec son amie Bahia sur l’herbe maintenant verte de leur jardin. Alexandre leur concoctait des rafraîchissements à base de fruits pressés. Stéphanie et son mari Norbert venaient leur rendre plus souvent visite. Stéphanie croyait que Bahia avait enfin quitté un lieu de perdition néfaste pour elle. Cécile qui venait de finir ses études de visiteuse médicale, et maintenant qui travaillait à temps plein, leur tenait compagnie, elle aussi, quand elle n’était pas accaparée par le flot de ses compliquées aventures sentimentales. Sinon, un ou deux de leurs amis commun leur étaient restés fidèles. Zénéto entre autre, lequel venait deviser littérature avec Alexandre. Il y avait aussi Mathieu, plus l’ami de Bahia que d’Alexandre. Lors de la pendaison de crémaillère, ne furent invités quasiment que les amis de Bahia laquelle avait tenu à écarter tous les zigotos avec qui Alexandre se croyait avoir un lien. Pour se venger, Alexandre lui fit honte en se saoulant pour terminer pitoyablement la soirée, prématurément, le nez dans les manteaux des invités, sur lesquels il s’abstient tout de même de montrer son dédain en vomissant dessus. Bahia tira la tronche pendant une semaine. Et comme ces femmes qui ont la rancune tenace, elle ajouta ces méfaits à tous les griefs qu’elle avait à lui reprocher depuis qu’ils se fréquentaient, s’apprêtant à lui rejeter en pleine figure les preuves de ses manquements à son égard, le moment venu, car malgré tout la liste commençait à être longue. Mais elle l’aimait, c’était plus fort qu’elle. Alors elle oubliait, jusqu’à la prochaine colère.

Les parents de Bahia ne savaient pas où les deux amants habitaient. Leur fille ne leur avait pas communiqués son adresse. Car pendant deux ans ses parents l’avaient harcelée. Au téléphone d’abord. Puis ses deux frères s’en étaient mêlés et il avait même fallu appeler la police lorsqu’un soir une rixe éclata avec Alexandre. Puis il y avait eu la suspicion de leurs méfaits. La police les avait enjoint de se tenir à l’écart, aussi il semblait qu’ils s’étaient vengés autrement. Une première fois en crevant les quatre pneus de la Ford du père d’Alexandre. Ensuite en bouchant leur serrure avec du mastique. Puis, sans doutes occupés ailleurs, ils avaient  laissé tranquille le couple. La mère continuait quant à elle de téléphoner à sa fille. Au début, pour lui faire des reproches. Son père se lamentait, sa fille l’avait abandonné. Il n’avait plus de fille. C’était fini pour elle. Et de dire aussi combien de vivre avec tous ces hommes, elle qui n’était pas encore mariée, ça jetait la honte sur toute la famille, tant ça ne se faisait pas. Puis la mère s’était, à dessein, faite plus douce avec sa fille. Ce n’était pas sa faute si elle avait arrêté ses études, la faute en revenait à la mauvaise influence d’Alexandre. Celui-ci était un mauvais garçon. Il ne l’aimait pas vraiment. Il voulait juste lui faire des choses qu’une jeune fille bien sage, comme elle l’était, ne pouvait accepter. Il fallait qu’elle revienne. Tout le monde l’accueillerait dans la joie. Elle reprendrait ses études et tout irait bien. Mais à force de lui dire qu’elle aimait Alexandre, sa mère avait fini par céder du terrain. Acceptant même en cachette de son mari de le rencontrer. Et c’était vrai, s’il n’était pas un bon musulman, Alexandre lui avait semblé être un gentil garçon. Elle lui avait dit qu’il était un peu le  frère de Bahia et qu’il devait la protéger, car elle ne pouvait accepter l’idée que sa fille puisse ne plus être vierge. Et Alexandre, pas mauvais bougre pour le coup, avait fait mine d’accepter. Puis Bahia avait revu sa grand-mère, lorsqu’elle était venue en France. Elles s’adoraient et à elle, Bahia qui était sa préférée, pouvait tout dire. Or, malgré son âge avancé et la différence de génération qui put sembler rédhibitoire, la grand-mère avait accepté Alexandre, le trouvant gentil et serviable. Elle disait seulement de lui qu’il n’avait pas d’argent. Depuis cette visite, Bahia s’était dit que sa mère ne comprendrait jamais son désir de se lier à un non musulman, elle pourtant dont le mariage arrangé avait été malheureux au début. Aussi, Bahia n’avait pas laissé d’adresse, se réservant le droit de lui téléphoner d’une cabine, de temps en temps, pour, en cachette de son père, prendre de ses nouvelles.

Sinon, au fil du temps Alexandre et Bahia avaient pu prendre la mesure du petit immeuble où ils résidaient. En fait, sur les quatre étages, les petits appartements avaient été loués à des jeunes. Située comme eux au rez de chaussée, il y avait Elise, une jeune infirmière sympathique à qui, un jour, ils déconseilleraient d’aller se marier au Sénégal avec un homme rencontré par hasard, dont ils soupçonnaient qu’il ne l’avait séduit que pour les papiers. Elise l’aimait et ne les avait pas écoutés. Elle était partie se marier, de surcroît elle en était revenue enceinte. Mais sitôt marié son colosse de mari avait pris la tangente… Sinon au premier étage, il y avait Marie, une célibataire endurcie un peu garçonne. Elle travaillait dans la confection de plans militaires, un boulot secret qu’elle avait voulu faire voir à Alexandre. Bahia, elle, s’en méfiait un peu. Elle la trouvait bizarre avec ses photos de ses chiens, uniques tableaux ornant les murs de son deux pièces. Sa passion pour le baby-foot qui lui avait fait gagner multitudes de trophées, lesquels ornaient ses étagères, lui semblait aussi un peu incongrue pour une fille. Comme on s’en doute, Marie n’était pas féminine pour un sou… Toujours au premier mais en face, habitaient Shafik et Souad, le couple de marocains duquel Alexandre et Bahia allaient vivement se rapprocher. Shafik plus âgé qu’Alexandre, lui plut tout de suite. Il était libre dans sa tête Shafik, joyeux fêtard et fumeur de haschich comme lui. Combien de fois n’iraient-il pas ensemble chercher leur opium?, Shafik faisant profiter Alexandre de ses bons plans et de son savoir faire avec les dealers de tous poils. Shafik disait aussi à Alexandre qu’il avait une petite planète dans la tête, uniquement à lui réservé, où il pouvait se réfugier chaque fois qu’il ressentait le besoin de s’isoler. Il disait qu’un homme ne doit pas donner son cœur à sa femme : un cœur ça ne se donne pas. Et il racontait toujours des tas d’histoires drôles, comme cette fois ou tombé par hasard dans les griffes de scientologues, ceux-ci , il leur avait pris la tête, et ils n’avaient pas réussi à le contredire, encore moins à le convertir. Il avait une pléthore d’amis fidèles aussi, Shafik, et adorait les inviter à partager un barbecue dans le jardin, et très vite Alexandre et Bahia étaient conviés à rejoindre leur bande. Quant à Souad, Bahia vit en elle une grande sœur et une personne prompte à l’écouter lui confier ses petits secrets de femme. Voilà pour leurs voisins proches. Les autres ne se mêlaient pas à leur groupe. Et tous allaient passer trois longues et belles années à se côtoyer, partageant chagrins et espoirs de la vie quotidienne.

Chapitre IV : Le couple

La nouvelle de la liaison entre Alexandre et Bahia ébranla tout leur petit monde. A commencer par Cécile qui, comprenant qu’elle perdait Alexandre en éprouva du ressentiment envers son amie. Gérald et Brice, eux, vinrent féliciter Alexandre de cet exploit inédit parmi la bande. Les autres amis de Bahia furent surpris, comme Bahia ne s’était ouverte a personne concernant l’affection secrète qu’elle éprouvait pour Alexandre. D’autres pensèrent que Bahia la pure avait bien changé et que c’était honte que de s’être acoquinée avec un tel vaurien. Mais celui qui en éprouva la blessure la plus piquante fut sans doutes Nicolas, le propre frère d’Alexandre, vexé d’avoir été ainsi doublement trahi, et par son amie et par son frère. Et du jour au lendemain il devint insupportable avec le couple. D’abord parce que Nicolas et Bahia, qui avaient ensemble abandonnés depuis peu la fac pour se consacrer au théâtre, s’étaient dégottés le même petit boulot, et que c’était là une occasion quotidienne pour Nicolas d’harceler et de maltraiter verbalement Bahia qu’il considérait comme déchue de son piédestal. Ensuite, parce qu’il lui semblait aussi que son petit frère méritait son courroux, il ne voulait plus lui adresser la parole ni lui faire partager ses plans de soirée. Bref, toute leur troupe d’amis était partagée quant à la conduite à tenir à leur égard. Bahia qui était vive le savait bien : c’était la fin d’une époque, le crépuscule de la bande des théâtreux, une ère nouvelle s’annonçait.

Et cette ère débuta pour le couple sous les bons hospices du sexe a gogo. Alexandre baisait Bahia tant qu’il pouvait. Plusieurs fois par jour quand elle était la. Toute la nuit durant aussi. Il ne se lassait jamais de la pénétrer et mettait du cœur à l’ouvrage. Toutes les pièces de leur appartement y été passées : pas un seul endroit où ils n’avaient joui. Bahia criait sans vergogne et adorait leurs jeux sexuels, lui ne se lassait jamais de son corps, son sexe : il la fourrageait avec passion. Tout paraissait merveilleux, chaque élan sexuel égalait ou surpassait la précédente étreinte. Toutes escarmouches entre eux se soldaient invariablement dans une effusion de sexe. Ils passaient des week-ends entiers au lit, négligeant leurs amis. Rien ne comptait plus pour chacun que le moment où ils pourraient faire jouir l’autre. Ca tapait sur les nerfs de Nicolas d’entendre gémir à travers la cloison, le père, lui, il rigolait, eux, ils suaient a grosses gouttes et leurs joutes sexuelles étaient épiques tant ils s’entendaient à merveille. Bahia la prude avait été pervertie aussi : elle ne déniait pas à l’occasion tirer sur un joint pour accroître son plaisir sexuel. Un jour où ils avaient rencontré dans la rue un dealer qui les fit tous deux fumer à l’œil, fut particulièrement marquant à leurs yeux. Lorsqu’ils rentrèrent, Bahia qui n’avait pas l’habitude de fumer une herbe aussi forte, délirait. « J’ai les bras qui s’allongent », croyait-elle. Et de lancer des « prends moi, déchire moi, coupe moi la tête ! », pendant qu’il la fourrageait. Délirant certainement lui aussi, Alexandre crut faire l’amour à un être de sable dont la fente ne cessait de couler en une eau fraîche sur sa bite émoustillée. Du sable, il croyait tenir entre ses bras, du sable ! Mais Bahia était aussi océan, lac, rivière, tempête, être de lumière, montagne et marécage… et la sensation inoubliable dura jusqu’au petit matin…

Par ailleurs, alors qu’Alexandre vivait dans une certaine insouciance des lendemains, Bahia, elle, plus pragmatique pensait à leur avenir. Plusieurs fois, elle avait tenté de motiver Alexandre pour qu’il aille chercher un travail. Mais lui ne voulait rien faire qu’écrire et leurs modestes conditions de vie lui convenait. Il n’y trouvait rien à redire. Bahia avait beau crier, rien n’y faisait, alors elle attribuait cela à la jeunesse d’Alexandre, à un certain manque de maturité et remettait son projet à plus tard. Pour le moment, après tout, rien ne pressait : ils avaient un toit et si elle rêvait de les voir vivre seulement tous les deux, dans un « chez soi » qui serait leur nid douillet, elle prenait son mal en patience. D’autant qu’elle avait quittée son boulot ne supportant plus les agressions de Nicolas avec qui elle voulait ne plus rien avoir à faire. Depuis lors, elle n’avait trouvé qu’un job, certes bien payé, mais s’agissait-il de travailler seulement le mercredi, dans une m.j.c dont, avec son bagout, elle avait convaincu la directrice de l’engager pour enseigner le théâtre aux enfants. Or, ce qu’elle gagnait était insuffisant pour subvenir au paiement d’un loyer.

Les mois passèrent. La plus part du temps, Alexandre et Bahia faisaient l’amour toute la journée. Comme l’avait prévu Bahia, le groupe des théâtreux l’avait mise de côté et ne lui restaient que ses amies de toujours : Catherine, Stéphanie qu’on voyait peu, et Cécile qui avait fini par lui pardonner estimant qu’elle n’était pas si bien que cela avec Alexandre. Sinon, la réserve d’amis de Bahia, qui était très sociable, semblait inépuisable et elle ramenait toujours des têtes nouvelles à la maison. Entre Alexandre et Nicolas la fraternité avait finie par reprendre le dessus. Même si Alexandre déplorait la rupture éternelle qui semblait s’être instaurée entre son amie et son frère, il était bien content, au fond de lui, de n’avoir pas eu à choisir entre l’un ou l’autre. Eric quant à lui venait toujours leur rendre de joyeuses visites, amenant parfois l’un ou l’autre de ses amis afin de faire se rapprocher les cercles de ses connaissances. Il y eut aussi Franck qui vint souvent durant cette période. Tous fumaient et rigolaient de joie à s’en décrocher la mâchoire. Le père d’Alexandre, lui, vieillissait dans son coin, occupé par quelques mots croisés savants et son tiercé qu’il ne manquait pas de valider chaque midi pour sa sortie quotidienne. Après des centaines de c.v envoyés en vain, il n’avait pas renoncé au travail, c’est le travail qui semblait avoir renoncé à lui. Il espérait tout de même. Même si c’était mollement. Même s’il comptait plus sur une nouvelle fortune acquise au p.m.u qu’à la sueur de son front d’ingénieur informaticien. Quant à ses enfants : il s’avouait définitivement dépassé. Il eut fallu que sa femme tant aimée soit toujours là, elle qui savait y faire pour instaurer un semblant d’autorité. Mais c’était du passé tout ça. Il n’avait plus que ses deux garçons maintenant. Et tout de même ça lui faisait plaisir de constater leur vigueur, leurs aptitudes avec les femmes. Cela le renvoyait à sa propre jeunesse. Car plus que tout, le père d’Alexandre chérissait la jeunesse. Et il pensait que rien ne devait en entraver les manifestations bruyantes de ses élans. Il appréciait bien Bahia aussi, et la tenait pour la fille qu’il n’avait pas eu, déplorant seulement qu’elle ne fut pas la femme d’intérieur qu’on pu espérer qu’elle soit. Cependant, son fils semblait l’aimer et c’était bien là l’essentiel à ses yeux. D’ailleurs peut-être que c’était elle qui lui procurerait un jour le bonheur d’avoir des petits enfants, se disait-il à son sujet. Tout n’allait donc pas si mal. Et même si les voisins se plaignaient souvent de leurs veillées nocturnes trop bruyantes. Même si les flics connaissaient la famille pour l’avoir déjà verbalisée. Même si le père d’Alexandre ne payait plus les charges à la copropriété depuis des mois, sans l’avoir dit a personne. Toute sa petite famille était somme toute heureuse.

Une des seules fois où le père d’Alexandre dut donner de la voix fut un de ces mardi gras ou les invités de la fête menacèrent, par jeu, de brûler la moquette, casser les meubles, toujours par jeu, et de faire passer les canapés par la fenêtre encore par jeu. Ce soir là, en rentrant sur les coups de dix heures, le père d’Alexandre découvrit une soixantaine d’invités déguisés, éparpillés dans toutes les pièces de l’appartement, y compris sa chambre où on avait installé le garde manteaux, et d’où il osa a peine faire sortir Zénéto qui était entrain d’entreprendre une donzelle fraîchement cueillie par lui, l’homme des cavernes, tel qu’ainsi était son accoutrement. Donzelle déguisée en libellule, que le père d’Alexandre trouva à moitié débraillée, à moitié saoule, et à moitié violée. L’appartement grouillait aussi de corsaires entre les mains desquels circulaient pléthore de bières. Le saladier de sangria, sans lequel on ne peut pas saouler les filles à moindre frais et sans en avoir l’air, était géré par Franck, ridiculement déguisé en abeille : deux raquettes en bois tenues par de la corde faisant office d’aile. Nicolas, son père le découvrit dans sa tenue de prince oriental, son sabre flottant sur le flan du sarouel. Quant à Alexandre et Bahia : l’un avait tenu à imiter son ami Zénéto avec qui il s’était déguisé de concert, en homme de Croc-Magnon donc. L’autre campait la classique infirmière qu’on retourne sur un brancard dans une pièce retirée, entre deux urgences, histoire de … Bref, tout le monde était venu. Brice, le pince sans rire en clochard. Eric en rasta bien sûr. Gérald en un énième corsaire pirate. Mathieu en pompier sauveur admiré de ces dames. Valentine, une ex d’Alexandre dont il avait été longtemps amoureux au point de désirer vivre avec elle, en pute, et ça lui allait plutôt bien trouvait-il. Caroline en princesse. Catherine et son frère en cow-boy. Cécile dans un costume de mousquetaire spécialement loué pour l’occasion. Isabelle , leur fidèle voisine qui leur apportait des petits plats quand le frigo était vide, et qui servait de confidente à Bahia en cas de dispute – en médecin, blouse blanche sur bas nylon sexy, et stéthoscope emprunté à son père, pendu au cou. Shirley l’ami anglaise de Zénéto à qui il faisait découvrir Paris aussi souvent qu’il découvrait son sexe – déguisée en écolière. Et tant d’autres amis dont quelques copains voyous d’Alexandre, seuls à ne pas être déguisés autrement qu’avec leurs casquettes et leurs jeans bouffants, ou leurs survêtements Tachini, étaient tout guilleret ou gêné d’être au milieu d’autant de tête de lard… Tandis que le père d’Alexandre, après les bonjours de rigueur à chacun des amis de ses fils qu’il avait pu reconnaître, avait réussi à réquisitionner sa chambre pour lui seul, après son esclandre ; et, alors qu’il était dérangé continuellement sur les coups de trois heures du matin par ceux des invités qui voulaient récupérer leurs effets, il dut à sa vigilance de reconnaître le bruit, dehors, de sa voiture qu’on tentait de demarrer comme pour la lui voler. Et d’un bond de se précipiter dehors pour découvrir, comble d’une soirée déjà mouvementée, que son fils Alexandre qui n’a pas son permis a décide, grand seigneur bourré qu’il est, de raccompagner Zénéto, sa conquête du moment, et Shirley, profitant de ce que Shirley et Zénéto savent conduire, pour apprendre lui-même à conduire lorsqu’il reviendrait seul, après les avoir déposés. Et d’un coup de sang du père qui une nouvelle fois élève la voix, cette fois ci pour sermonner son fils, puis, pas rancunier et toujours sympa pour autant, papa qui décide de raccompagner lui-même les jeunes amis de la famille…

Chapitre III : L’amour

Le quotidien de cette famille recomposée qu’ils formaient s’avéra on ne peut plus excitant pour Bahia. Elle s’était vite accoutumée aux habitudes de la maison. Un intérieur peu rangé, des vaisselles interminables, des affaires partout et des enfants rois qui organisent des fêtes aussi souvent que possible, au point que Bahia avait été un peu dévergondée. Eric qui fréquentait le trio et dont on ne savait plus s’il était l’ami de Nicolas ou d’Alexandre, venait aussi souvent que possible divertir les neurones de ses amis en apportant de la marijuana, trop heureux de voir une famille ou l’on pouvait crier et rire fort jusqu’à tard le soir sans que le père dise rien, ni ne vienne jamais troubler l’intimité de ses enfants. Aussi, Eric prenait la guitare de Nicolas et y allait de sa chanson gaiement. Bien sur, c’est lui qui roulait les joints, et, maître de cérémonie qu’il était, envoyait sur la Lune les neurones de ses compères. Eric, Alexandre l’appelait le « rasta blanc », tant il aimait oublier sa vie de commercial ordinaire, pour le soir venu s’envoyer un joint dans la tête sans lequel sa timidité maladive n’eut pas trouvée à être guérie, « rasta », aussi, parce que s’il était né jamaïcain, Eric eut été plus heureux et d’une apparence en accord avec ses combinaisons intérieures. Il y avait encore Gerald et la bande du théâtre qui, maintenant, débarquaient souvent à la maison et Brice, et Mathieu, et Valentine, et Isabelle la voisine, et Zénéto, et Caroline et Catherine et Cécile forcement, ainsi que les autres amis de Bahia (qui en avait beaucoup) ,lesquels débarquaient à la maison, comme attirés par son aura. Et chaque nuit c’était la même chose. Dans le secret de leur chambre, Alexandre se rapprochait ostensiblement plus de Bahia.

La maisonnée était joyeuse dans l’ensemble et c’était dû à l’effervescence de la jeunesse de ses occupants. Un soir, pourtant, l’ambiance se brisa. Tandis que tout le monde regardait la télévision, on sonna. C’étaient les parents de Bahia qu’elle n’avait pas contactés depuis un mois, qui débarquaient pour faire un esclandre. Le père surtout était le plus véhément, et dans un français imparfait, les pieds solidement arrimés au milieu du salon, il commença à maudire la nouvelle famille de Bahia. C’était une honte pour une jeune fille de vivre au milieu d’hommes étrangers. Et est-ce qu’elle comptait se marier avec l’un d’entre nous ? Si oui, lequel ? Et ou est-ce qu’elle dormait ? C’est « haram » (contre la religion) qu’il hurlait le père : un vrai taudis ! Sa mère disait ,en arabe, à Bahia qu’elle était une prostituée ! , un déchet ! , le déshonneur de la famille ! Son père criait que ça ne se passerait pas comme ça ! Les blancs ne pervertiraient pas sa fille ! Il reviendrait les mettre au pas avec son fusil, s’il le fallait. Et il voulait leur casser la gueule et à sa fille pour commencer, laquelle il agrippa par les cheveux pour la traîner jusqu’à la sortie. Ce contre quoi Alexandre, le premier, s’interposa, suivi de Nicolas qui s’était saisi d’une batte de base ball , le bras tout de suite arrêté par son père, lequel d’humeur pacifique voulu calmer la situation qui devenait de plus en plus instable. Bahia hurlait. Alexandre avait empoigné le père. Nicolas voulait frapper tandis que son père tentait maintenant de calmer ses fils. Il parla à la mère de Bahia, alors que son mari avait lâché sa fille et se remettait de ses émotions, et comme la mère semblait encore la plus ouverte au dialogue. D’abord, il fallait demander son avis à Bahia. Elle était majeure et ses parents ne pouvaient plus l’obliger à les suivre comme ça, sans son consentement.  Bahia avait été éduquée dans des écoles laïques et authentiquement bourgeoises. Elle suivait peu les préceptes de la religion, sinon faisant le ramadan. Or, il était clair qu’elle avait été plus imprégnée par la mentalité occidentale que traditionaliste de ses parents. Qu’elle leur échappe un jour était inéluctable, et, de fait, elle répondit qu’elle ne voulait pas les suivre. Ses parents repartirent donc sans elle, non sans que la mère et le père eurent lancé des jurons , maudissant leur fille ,en la prévenant qu’ils n’en resteraient pas la… Quand ils furent partis, Alexandre pris Bahia dans ses bras. Elle venait de s’effondrer en larmes. Cette nuit là, il en profita pour glisser une main affectueuse sur son épaule, tandis qu’à son habitude, elle lui tournait le dos. Quand sa main se posa sur son épaule, Alexandre fut parcouru par un frisson et affublé d’une érection interminable. Il se surprit peu après à oser déposer un baiser dans le cou de Bahia qui s’en émut, crut-il.

Une semaine après la visite inopinée des parents , tout s’accéléra. Ce soir là, les trois avaient été invités à dîner chez la mère de Cécile. Parmi les invités, figurait Zénéto, toujours le meilleur ami d’Alexandre. Avec lui la discussion fut des plus mouvementée. On s’y empoigna sur des sujets de littérature. Personne n’était d’accord de la même façon pour reconnaître le génie de William Burrought. La mère de Cécile le prenait pour un drogué imcompréhensible au style bâclé, et affirmait lui préférer encore cet alcoolique de Bucovski. Zénéto, lui, ne tarissait plus d’éloge sur le « festin nu », les prodiges accomplis par la Beat Génération et son influence capitale sur la génération des seventies à laquelle, pourtant, la mère appartenait. « Ca n’a rien a voir, je l’ai toujours détesté » , rétorqua la mère. Sur ce, elle remplit les verres vides de chacun du vin qu’elle avait spécialement acheté pour ses invités. Tous se mirent si bien à boire que pendant le dîner trois bouteilles de rosé avaient été sifflées. Et tous d’être saouls, même Bahia, qui pourtant ne buvait jamais, avait osé, incitée par l’ambiance, se servir deux bons verres  qui avaient suffi à son ivresse. Quant Alexandre se rendit compte que Zénéto taquinait sa copine Cécile, il en fut ravi. L’occasion était trop belle. Et de fait, Cécile se laissait charmer, sachant qu’Alexandre n’y trouverait rien à redire. D’ailleurs, au moment de partir, Cécile proposa à Zénéto de rester. Et on savait ce qui se passerait. La situation n’avait pas échappée à Bahia. Cécile allait se faire tringler toute la nuit : conclusion, Alexandre était libre. Il trépignait dans la voiture en attendant, grisé, le moment où il se déshabillerait devant Bahia.

De retour dans leur petite chambre, ce qui se produisit dépassa les espérances d’Alexandre. Une réalité impossible sembla lui ouvrir les bras. Parce qu’il était saoul et Bahia aussi, toutes résistances avaient sauté. Aucune inhibition ne l’empêcha de s’allonger nu dans le lit auprès d’elle qui n’en parue pas choquée. Et tandis que son cœur battait de plus en plus fort la chamade à mesure que ça devenait vrai qu’il l’embrassait encore et encore. Pour de bon, Bahia vaincue, se livrait à lui ! Que ses baisers étaient doux et bons ! Et la peau de Bahia lisse. Enfin il tenait sa Déesse dans ses bras. Enfin son rêve des millier de fois échafaudé prenait forme. Les tétons de Bahia avaient maintenant durci, sous l’excitation. Le sein était merveilleusement beau, et le sexe humide à souhait. Il n’en croyait pas ses yeux. Il aurait pu en rester là, déjà comblé par la providence. Non, Bahia consentait à se dévêtir de sa culotte, se livrant corps et âme. Pour être sûr de satisfaire sa Déesse, il commença alors à la lécher délicatement, enroulant bien sa langue autour de son clitoris, en une danse lancinante dont la mélodie la faisait frémir. Puis vint le moment crucial après la jouissance : il la pénétrait jusqu’à la garde, d’abord très délicatement, puis agité par des soubresauts de plus en plus intenses, que semblait goutter Bahia qui s’agrippait à ses épaules en gémissant. Leur étreinte les maintint éveillés jusqu’au petit matin. C’est vers là qu’Alexandre, épuisé nerveusement par ce qu’il venait de vivre, s’affala littéralement sur le lit, et s’endormit comme une brique. Bahia semblant reprendre ses esprits ne put trouver le sommeil. Elle aurait voulu parler avec son nouvel amant, au lieu de ça, il la laissait avec des doutes et peut-être des remords. Prise de panique, à l’idée de ce qui allait se passer par la suite, elle s’en alla prendre l’air en douce, et pour cacher les sanglots que lui inspirait la réputation sulfureuse de son nouvel amant, de qui il y avait tout à craindre…Enfin, sur les coups de six heures du matin, elle vint s’endormir près du corps ronflant d’extase d’Alexandre. Et quand ils se réveillèrent, sans s’être parlés, ils se promirent un amour éternel que vint sceller un nouvel élan sexuel.

Chapitre II : L’invitée

C’est par un banal mais primordial matin de printemps que le destin d’Alexandre bascula. Il ne l’aurait jamais imaginé, à peine eut-il pu en rêver, mais cela arriva bel et bien. Quand Nicolas tourna la clef dans la porte d’entrée, quelle ne fut pas la surprise d’Alexandre de voir son frère accompagné de la Déesse. « Bahia, avait prévenu Nicolas, vient s’installer à la maison quelques temps ! » Car le destin s’en était mêlé, ses parents l’avaient mise à la porte, après qu’elle se soit brouillée avec eux au sujet de ses études, dont elle leur avait avoués vouloir les arrêter, comme, leur avait-elle soutenu, cela ne la mènerait que loin du but qu’elle se fixait dans la vie. Sur le coup, son père l’avait giflé et sa mère l’avait qualifiée d’ingrate et de fainéante. Son père qui s’était saigné aux quatre veines pour qu’elle ait une éducation décente, qui avait conçu pour elle un destin tout ce qu’il y avait de plus honorable, elle l’avait trahi. Tant qu’elle ne reprendrait pas ses études, il ne lui donnerait plus d’argent ! Ce n’était plus sa fille ! Rien qu’une petite effrontée ! Et patati et patata. A peine avait-elle évoqué l’idée de poursuivre des cours d’art dramatique, sa passion de toujours, qu’elle s’était retrouvée dehors, avec interdiction de revenir tant qu’elle ne serait pas revenue à de plus saines résolutions. Elle était partie, prenant son courage à deux mains, fermement décidée à poursuivre sa vie de la manière qu’elle entendait. Rien ni personne ne l’en empêcherait. Le sort en était jeté ! Mais d’abord lui fallait-il trouver un toit. Prompt à réfléchir à la meilleure opportunité, et, rapide dans ses décisions, elle avait tout de suite pensé à Nicolas, et à sa famille peu orthodoxe, du moins suffisamment peu pour oser accueillir une étrangère en son sein, sans que les parents, là en l’occurrence le père, n’eut rien à redire. Et de fait, le père d’Alexandre, toujours perdu dans ses pérégrinations intérieures ne pipa mot, ni n’accueillit Bahia autrement que s’il avait toujours s’agit de sa propre fille.

Alexandre était ravi. Tout devenait possible. Quelle merveilleuse aventure et coquin de sort ! , se disait-il. Et s’il n’ignorait pas que Nicolas avait la priorité, après tout, c’est vers lui que Bahia s’était tournée, et du reste dormait-elle avec lui dans son lit, il était sûr que rien ne s’était passé entre eux deux, depuis une semaine que Nicolas partageait ainsi l’intimité de sa chambre. Et dorénavant Alexandre voyait Bahia tous les jours. Il pouvait parler longuement avec elle, partageait ses repas, tandis qu’il rêvait de la voir nue chaque fois qu’elle prenait sa douche. Or, il se demandait comment il pourrait la soustraire à son  frère ainé, littéralement la lui chiper. Tout d’abord il fallait résoudre le problème du coucher. Un matin, comme le lit de Nicolas était trop petit pour y bien dormir à deux tous les soirs, il proposa à Bahia de dormir dans son canapé clic-clac, pendant que lui dormirait dans le salon. Bahia le remercia vivement et ne se fit pas prier pour changer de literie. Le lit de Nicolas était trop petit, tout le monde en convenait. Du reste, même s’il se doutait que son petit frère avait une idée derrière la tête, Nicolas ne pu rien objecter à Bahia. D’avoir été éjectée de chez ses parents ne l’avait pas déchue de son statut, Bahia était toujours cette femme faite Déesse, à laquelle on ne pouvait qu’obéir pour lui faire plaisir. Et ça avait l’air de lui faire plaisir de dormir dans la chambre d’Alexandre.

Si le projet d’Alexandre semblait plus réalisable qu’avant, rien n’était fait cependant. Alexandre avait des aventures avec des jeunes filles d’un soir et Bahia, si elle lui témoignait un amical intérêt, le regardait faire, semble-t-il, amusée mais pas intéressée pour autant, du moins en apparence, car Bahia laissait peu transparaître ses désirs. C’étaient les hommes qui lui témoignaient du désir et la draguaient, pas elle !  Il y avait deux mois qu’elle avait rompu avec Feraz,et avait-elle encore suffisamment de prétendants pour faire comme si elle ne s’intéressait pas a Alexandre. De plus, Ce qui n’arrangeait rien:  depuis peu, Alexandre sortait avec une de ses meilleures amies : Cécile, qu’il avait rencontré à une de ces soirée où Bahia, son frère et lui s’étaient rendus à trois, dorénavant inséparables. La encore, il n’avait pas eu l’occasion de déclarer sa flamme à Bahia et avait jeté son dévolu sur une de ses proche, à défaut de pouvoir la séduire, elle. En fait, parfois il se demandait  quelle considération elle pouvait bien avoir de lui, comme tour a  tour, il n’avait pas hésité à draguer ses meilleures amies, jusqu’à sa sœur elle-même, laquelle avait refusée de l’embrasser. Sans doutes devait-elle le considérer comme un beau parleur, un séducteur sans scrupules, et ça devait y aller de bon cœur les commentaires à son égard avec ses copines, car les commentaires étaient fondés. Alors, comment auraient-ils pu s’imaginer ensemble : lui le dragueur, elle la prude ? Il faut croire que les contraires s’attirent comme il est bien banal de le dire, car un soir, la belle proposa a Alexandre de reprendre possession de sa chambre en l’ invitant à dormir avec elle dans le canapé. Alexandre ressentit ce frisson qui parcoure les hommes qu’un événement heureux vient conforter dans la chance en leur bonne étoile. Enfin cela se précisait ! Quelle première nuit il passa auprès d’elle ! Son cœur palpitait dans sa poitrine la majeure partie du temps et il pu à peine fermer l’œil, osant à peine espérer, tentant les rapprochements les plus subtils, scrutant sa respiration à elle pour se persuader qu’à elle aussi il faisait de l’effet. Et chaque soir c’était la même chose : la peur d’être démasqué, le bonheur d’être si prés d’elle, et le désir de la toucher, et ce jeu de dupe entre eux à qui ferait le premier pas. Mais il doutait toujours. Elle n’était pas sans ignorer qu’il sortait encore avec Cécile sa grande amie et ce que ce serait de la trahir, si elle se laissait tenter par lui ; sans parler de sa réputation à elle, ternie par une telle liaison avec un mauvais garçon. Mais décidément, il n’y avait rien à faire contre l’étrange alchimie du désir. L’un et l’autre étaient épris en secret.

LE MELANGE CONTRARIE DES ANGES

Chapitre I : Home, sweet home…

Alexandre venait tout juste de sortir de prison. Il avait été condamné pour acte de vandalisme en réunion.Mamad qui était avec lui lors des faits ne fut pas inquiété . Mais depuis l’événement personne dans le quartier ne l’avait revu. Son père, furieux après lui, l’avait renvoyé au Sénégal afin qu’il puisse s’assagir après un mariage arrangé dont on attendait qu’il fut pour lui l’occasion de se responsabiliser. Aucunes possibilités donc pour Alexandre de revoir son ami de débauche. Et tout avait changé aussi dans le quartier : la plus part des dealers qu’Alexandre avait fréquentés avaient écopés de peine de prison. Ne restaient que les plus jeunes pour poursuivre le commerce et Alexandre ne les connaissait que de vue. Il n’y aurait donc personne pour lui offrir un gramme de chocolat magique. Il lui faudrait payer s’il voulait se décrocher les neurones. Or il était fauché comme les blés, pas un centime n’ornait son porte monnaie…Loin d’en être démoralisé, Alexandre savourait chaque seconde de liberté comme un bienfait providentiel et peu importait sa condition, il aurait tout le loisir de se refaire, ce n’était qu’une question d’opportunité, il en était sur. Alors, il prenait son mal en patience.

Il n’avait pas été dur pour Alexandre de rentrer chez lui la tête haute. Son père, laxiste  et pas rancunier pour un sou, avait considéré son absence tel le service militaire qu’Alexandre n’avait pas fait pour avoir été reformé, laquelle absence devait lui avoir mis un peu de plomb dans la tête par son caractère initiatique. La prison avait du le rendre plus mur, aussi  n’était-t-il point besoin en son esprit de gâcher les retrouvailles en lui rappelant continuellement ce qu’il considérait comme un événement regrettable, mais pardonnable. Alexandre avait donc retrouvé sa chambre, revu son frère et son chat, et à vrai dire peu de choses avaient changé dans sa famille. Son frère faisait toujours œuvre de sociologie en poursuivant ses études à la fac et son père quant à lui, tenait toujours compagnie à la télévision durant la journée pour être, comme il l’était, toujours au chômage, de plus en plus résigné,  de moins en moins motivé. L’argent ne manquait pas vraiment, sinon par intermittence, quand le père dilapidait au jeu les réminiscences de son ancienne fortune acquise à force de travail, fortune qui fondait comme neige au soleil et que venaient fort heureusement suppléer de substantielles allocations chômage.

Environ une semaine après son retour,eut lieu un événement qui devait bouleverser la vie d’Alexandre . Ce fut un soir de juin, après une journée où le soleil avait baigné l’ouest parisien dans un halo de chaleur dont on se souvient longtemps de l’intensité. Avec son père, ils se rendirent à la pièce de théâtre qu’avait montée la promo du grand frère, en cette veille de grandes vacances. Nicolas le frère bien aimé y interprétait Harpagon dans l’Avare de Molière. Mais au delà du jeu brillant de son frère, ce qui interpella Alexandre fut la jeune fille qui jouait Marianne. S’il avait s’agit d’un film on eut dit d’elle qu’elle crevait l’écran. Sa beauté surtout était ensorcelante : un nez fin et racé, des yeux d’un bleu à se damner, des lèvres sensuelles, un corps parfait. Alexandre trépignait sur sa chaise à chacune de ses apparitions. Ce n’est qu’au couché de rideau qu’Alexandre pu s’approcher d’elle et même l’embrasser sur les joues comme son frère lui présentait les membres de la troupe, tous mordus de théâtre, et dont Bahia, puisqu’ ainsi elle se prénommait, était l’égérie  ; celle, reine de beauté, que tout le monde regarde et convoite, sans que personne de son groupe d’amis n’ait réussi à faire la différence. Ce soir là, Alexandre et Bahia avaient échangé un long regard en se quittant. Alexandre disait des yeux : «  Ce n’est pas fini, nous nous reverrons… Mais qu’est-ce que tu es belle…» Elle, elle sembla intriguée,mais Alexandre ne pu en tirer aucunes conclusions.

La deuxième fois  Alexandre  approcha Bahia lors d’une soirée dans le garage de Gerald, un des membres de la troupe de théâtre. Gerald, son frère et toute la bande du théâtre y organisaient des réunions tardives où ils refaisaient le monde, aussi bien qu’ils devisaient théâtre, littérature, art en générale, musique en particulier (Gerald avait une batterie, des guitares, un micro, et chantait volontiers pour ses amis) ; on y échangeait aussi sur les histoires de chacun, et au milieu de cette troupe d’amis, ou plutôt à son sommet, il y avait Bahia, la très belle. Chacun des garçons la vénérait et été tombé un jour ou l’autre amoureux de ses charmes. Alexandre qui avait été convié exceptionnellement à leur réunion, se demandait comment il pourrait attirer l’attention de celle à qui il n’avait cessé de penser depuis leur rencontre. Car, à vrai dire, tout le désavantageait : il n’était pas sur son territoire, de plus tous les garçons de même que Bahia étaient plus âgés que lui. Et n’était son aura de fripon et de déluré, que personne n’ignorait, pas même Bahia à qui Nicolas avait parlé de son frère, rien, non rien ne semblait pouvoir l’avantager. Tout de même, Bahia, pendant que les garçons parlaient entre eux, avait dénié discuter avec Alexandre, mais en tout bien tout honneur, comme chacun n’ignorait pas qu’elle était amoureuse de Feraz, un jeune dentiste prothésiste qui ce soir là n’avait pu se rendre à leur réunion. Elle était charmante Bahia, et s’épancha volontier sur sa passion du théâtre, des photos qu’elle faisait en cachette pour les magazines de mode depuis qu’elle avait seize ans. C’ était juste un passe temps alimentaire, nullement une vocation. Elle profitait de ses atours, voilà tout, qui ne l’aurait pas fait ? Sinon, elle vivait toujours chez ses parents, lesquels étaient  d’une mentalité un peu austère  d’après elle. Ou du moins, étaient-ils à mille lieux de comprendre ses aspirations. Elle avait choisi des études de sociologie par dépit. Sa véritable ambition se situait ailleurs, dans la sphère artistique : elle aspirait à devenir comédienne. Le théâtre était tout pour elle, même si elle savait la voie périlleuse et quasiment synonyme d’échec et de rupture durable avec ses parents. Sa mère, ouvrière dans un atelier de confection, et son père qui tenait une épicerie, n’auraient jamais compris que leur fille puisse se donner en spectacle devant des inconnus. Du reste, Bahia ne les avait pas invitée pour la représentation de l’Avare. Tout ceci était trop loin d’eux, disait-elle. Alors, Bahia faisait semblant de suivre des études plus ou moins sérieuses, en attendant de s’émanciper , impatiente du jour où elle ferait exactement ce qu’elle voudrait.

Alexandre la fixait en rêvant : s’il pouvait la tenir dans ses bras et l’embrasser, que ne serait-il pas l’homme le plus heureux du monde. Elle était si belle Bahia. Son visage si parfait. Sa douceur et son énergie de jeune femme si adorable. Mais, rien a faire. Elle n’était pas libre et malgré le bonheur- dont Alexandre voulait le croire réciproque – qu’ils avaient à se regarder l’un l’autre, de manière quasi hypnotique, Bahia n’avait rien laissé paraître d’une quelconque attirance pour Alexandre. Du reste, comment  eut-il pu en être autrement ? Bahia était au milieu de ses amis d’un autre âge et peut-être qu’Alexandre – bien qu’il fit de son mieux pour que ce ne fut pas le cas – avait pu lui paraître trop jeune, trop gamin, il l’ignorait. En tous cas, avait-il pu l’admirer longuement, et de prés, assez prés, pour ressentir ce frisson qu’inspire un visage dont on ne se lasse pas de la beauté des traits. Et Bahia avait trouvé assez de point d’intérêt commun avec lui pour désirer le revoir à l’occasion, en qualité d’ami. Alexandre ne pouvait rien espérer de mieux, même s’il nourrissait le rêve secret de la séduire, sans être capable pour l’heure de rien tenter, ni de prétendre à autre chose, tant Bahia semblait si inaccessible, d’une race de femme si lointaine, et de celle qu’on ne peut abuser le temps d’un soir. Non, il se dégageait une aura de cette jeune femme qui intimidait ses prétendants, les rendait maladroit, lourdauds, et finalement réduit à l’état de sujet. Il était dit, depuis qu’elle avait eu l’age de séduire, que de nombreux hommes se battraient pour elle et la placeraient toujours dans cette position avantageuse où elle serait, comme maintenant, entourée d’une cours faite d’un grand nombre de serviteurs, et d’un unique prince vers qui toute la jalousie des autres convergerait. Alexandre savait qu’il ne faisait pas exception à la règle. Pour rien au monde il ne voulait se voir serviteur, seulement l’aventure semblait bien compliquée. Bahia était tout ce qu’il y a de plus vertueuse et fidèle. Et à vrai dire, elle l’intimidait. Alexandre n’en était pas à sa première conquête, mais là le poisson semblait trop grand pour ses filets. Il était intimidé et son cœur battait dans sa poitrine très fort comme lorsqu’il s’était revus chez elle en tête a tête, mais sans qu’il pu rien faire d’autre avec elle que deviser, tant elle paralysait toutes velléités passionnelles en lui. Ce fut l’unique fois où il pu lui rendre visite, profitant de l’absence de ses parents lesquels, sans nuls doutes, auraient reprouvé la venue d’un jeune étranger sous leur toit. Après, ils ne s’étaient plus revus. Soit que Bahia ne le rappela pas, soit qu’il lui paru incongru de l’appeler pour un motif valable qu’il n’avait pas, car à tous prix il voulait ne pas être démasqué , qu’elle sache qu’il venait pour la ravir. Alors les mois avaient passé. Alexandre s’en était retourné à ses anciennes amours, ou d’autre nouvel idylle, gardant dans un coin de cerveau une pensée pour Bahia et son joli minois de Déesse inaccessible pour l’heure,  qu’on oublie pas pour autant.

Patrick Rako

Le mélange contrarie des anges

Prélude

Chapitre I : le corps émiette

Chère Lou, chère Loulou, chère Louise, tes yeux merveilleux ne se porteront pas sur ces lignes avant quelques années. Le temps que tu ajoutes  à ta grâce de petite fille les centimètres supplémentaires qu’il faut pour ouvrir  un livre a l’endroit et le lire réellement, sans imiter ton père comme tu le fais, en t’asseyant dans le canapé un livre ou un journal trop grand sur les genoux,l’air absorbe et la mine très sérieuse  comme lui, sans rien comprendre de ce que tu lis, comme lui.

Je n’ai pas à te mettre en garde de quoi que ce soit, ni justifier que je t’écrive autrement qu’en raison de l’amour que je te porte. Une certaine familiarité avec la destinée aléatoire, sinon injuste, des hommes, me fait tout de même espérer que lorsque tu  me liras, ce livre ne soit pas le seul bien que t’ai transmis notre famille. Si tant est qu’un livre puisse être  un bien, celui-ci ne te sera pas aussi nécessaire qu’un repas inespéré, si un jour tu connais la faim. Tu pourras tout de même y abreuver ton esprit du souvenir d’un temps qui, pour toi devenue grande, ne sera peut-être  que l’écho lointain d’une génération précédante qui protégeait tes rêves d’enfant et dont tes préoccupations actuelles t’éloignent. Au mieux, ce sera un réservoir d’expériences, de sentiments, une rencontre avec des fantômes, des idées folles, une drôlerie pour toi ou peut-être un choc.

C’est pourquoi, si on ne t’en a pas fait par, sache que ma morale n’est sans doutes pas celle qu’on peut espérer d’un ainé. Elle est trouée de partout, vide,instable, comme le vent destinée a passer.Une morale d’écorché, sans rien sur elle qui ne reluise que son impertinence vis-à-vis de la quasi majorité des systèmes de valeurs ; une morale bizarre, consciente du bien, souvent pas du mal que peut provoquer ses faux oublis, ses arrangements avec elle-même. Socle embryonnaire, aussi, incapable de servir de lumière  a mes actes, qui ne me dispense pas non plus d’éprouver de la culpabilité, mais fait de moi un homme capable de tout. De toutes façons, tu le ressentiras comme une déchirure, en seras même le témoin : les hommes sont réellement capable de tout. Sache que moi  aussi j’ai été capable de tout, même d’aimer.

Il y a peu, lorsque j’étais venu te garder avec ton grand père, comme tes parents devaient sortir, j’ai passé la soirée à te toucher les oreilles. Du moins, chaque fois que tu es venue vers moi. Ce qui a semblé t’agacer prodigieusement à chaque fois : soit, trois fois de suite. Et comme tu n’es pas du genre à te laisser faire : tu m’as regardée avec tes grands yeux fabuleux, mi intriguée, mi décontenancée. Je t’ai souri. Puis, tu as senti qu’il n’y avait rien à espérer de mieux de moi qu’un tripotage  d’oreilles – ce en quoi tu avais raison – alors tu t’es  tournée vers ton grand père, gaga de toi, et tout heureux de t’offrir ses bras pour le reste de la soirée, en un câlin plus conventionnel qui semblait mieux te satisfaire. Sur le moment, j’ai adoré ton regard intelligent et l’omnipotence de ton désir. Plus encore ta prestance de reine de deux ans, sérieusement déterminée à ne pas s’avilir pour être câlinée .C’est merveilleux : je ne me force jamais avec toi. Incomparablement plus chic, tu ne te force avec qui que ce soit. Ton âge bien sûr, mais aussi ton caractère déterminent cette attitude admirable qu’il faut maintenir avec les hommes. Nous verrons cela plus tard.

Tandis que tu somnolais dans les bras de ton grand père je me disais : à cette heure, j’imagine, inquiet, le gouffre de désespoir dans lequel je vais plonger ton grand père, ton père, et toute notre famille en mettant en œuvre le projet que je me suis fixé. Si tu as un peu d’humour plus tard, tu te diras qu’il en avait de drôle de projet l’tonton. Je sais : se suicider n’est pas un projet conventionnel. Quand un suicide dénote une certaine complexité, ou une organisation qui n’est pas anodine, il y a lieu de penser qu’il s’agit d’un acte prémédité, voir soigneusement planifié. C’est mon cas. Car jusqu’à présent, malgré l’apparente folie de mes actes : le désespoir, la fureur destructrice, le mépris du néant qui ont pu m’empoisonner l’esprit, n’ont jamais provoqués chez moi l’inspiration ultime du suicide ! Celle qui, un soir plus frustrant que les autres, vous pousse à improviser votre propre meurtre. L’œil hagard de l’occasion, du moyen. Le corps, cette machine pensante vibrante de sentiments, parfaitement obéissant… .  Puisses-tu n’être jamais inspirée de la sorte : l’esprit vit une hallucination que le corps réalise. Et si on est pas frappé par l’inconscience de son acte, réveillé par le jaillissement de la peur ou une explosion en soi de lucidité : il n’y a rien à faire que s’en remettre à la chance. Il n’est même pas nécessaire d’être décidé pour être un suicidé.  La mort peut ne pas prendre celui qui la défit souvent, elle se repait assez fréquemment de ces aventuriers novices et indécis qu’elle embarque de force, quand ils ne cherchaient qu’a être compris ou divertis. Je te mets en garde de jamais leur ressembler : parmi eux se comptent nombres d’adolescents et de jeunes adultes.

Non, si je suis souvent appelé « jeune homme » par mes commerçants, je ne veux pas faire parti de ce contingent la de suicidés. Mes actes auront été pensés, imaginés longtemps à l’avance, froidement. L’important pour moi étant de ne pas agir dans la précipitation, sous le coup d’une émotion terrifiante. Si je veux me mêler à la nuit, lorsqu’ aura sonné l’heure, les choix d’autrui n’y pourront rien changer : la transparence et l’infini seront mon seul désir et l’essence de mon choix propre. Ne me considères pas comme une victime, ne me juges  pas, ne me suis pas. Si tu me cherches, lèves la tête : le corps en « v » d’un oiseau glisse sous les nuages, peut-être est-ce ton oncle ? A moins que ce ne soit ce bourdon qui te fait peur. Ce nénuphar un peu trop calme, prés duquel il est rigolo d’observer s’écraser des cailloux dans l’eau. J’imagine mon corps divisé en milliard de particules, chacune poursuivant un destin qui lui soit propre : celles légères comme l’air ballotées au gré du vent, d’autres mêlées à la terre, ou devenues indistinctes des particules d’ un arbre, d’une plante, d’un animal. Tout cela à la fois. Peut-être, en ce moment, suis-je devenu transparent, évoluant dans une certaine proximité avec les hommes, ou côtoyant le firmament à la recherche du bord de l’univers. Dans ce cas, associes moi à la fraîcheur du vent sur tes joues. Qui te dit aussi que ce rayon qui passe la fenêtre et te réchauffe la main ce n’est pas ma caresse ? Et s’il n’y a vraiment rien à par Dieu, ce que je crois, ni plus ni moins qu’un souvenir, je suis un courant électrique qui passe d’un neurone à un autre, et cela me suffit.

Cela apaisera-t-il nos parents ? J’ai peur que non. C’est une grosse bêtise que de mourir et je n’ai pas toujours été bête. Finalement, peut-être ne suis-je compréhensible que pour une personne à l’orée de sa vie ? Selon cette considération , ce livre  te sera accessible quand – telle une connaissance d’un ami – sénile et oubliant la moitié de ta vie, tu descendras dans la rue, pas coiffée ni lavée , en chemise de nuit ou tout autre attribut des vieilles de ton époque, lucide par brefs moments, comme cette mamie, dis-je, qui s’acharne à vendre aux passants … des carottes râpées que lui a apportée son auxiliaire de vie, carottes qu’elle vend à la cuillère , parce qu’elle croit ne plus avoir d’argent, et parce que c’est vrai : c’est plus rentable au détail … .

Cette vieille : c’est toi, c’est moi. Elle débloque de tous les cotés, pareille à ses carottes chimiques, baignant dans une sauce incertaine, c’est un gros plat de nouilles en forme de vers, à cette heure. Je ne me vois pas d’autres destins. Je ne te vois pas d’autres destins. Voila pourquoi je vais vivre comme jamais avant de partir en fumée. Et si je ne vis que des choses modestes dont j’ai l’intention tout de même de te faire part,-depuis ton lit d’hôpital ( à l’époque ou tu me liras s’il en reste encore ) , ou si tu es chez toi entourée de tes enfants, ou seule avec ton chien ou ton chat qui s’oublient partout, j’espère ne pas te soutirer que des larmes de tristesse, mais bien des sourires tout aussi bien.

Chapitre II : argent : 10000 kilogramme par mètre Cube

Il y a une chose Lou, qui d’ici vingt ans devrait encore exister, du moins si ce n’est pas la seule chose qui reste à manger : je veux parler de l’argent, ce fragment de verbe désenchanté  dont tout le monde parle aujourd’hui sur terre. Les hommes en sont avides, les femmes friandes, pour la raison que la possession de ces fragments assure un divin statut. Car ils sont ,ni plus ni moins ,que le corps de Dieu : ils permettent d’acquérir, de manger tout ce qu’il a créé, en évoluant parmi d’autres Dieu et Déesses de même niveau. Il est dit dans la bible que les fils de Dieu aimèrent les filles des hommes. Telles que sont devenues les uns et les autres depuis, tu as du te rendre compte que c’est plutôt l’inverse qui est exact. Le fric des Dieux est de la poudre aux yeux ! Ne me dis pas : il faut bien se maquiller… ta moralité m’impressionnerait.

A côté de ces Dieux, maître des instruments de production et de ces hommes esclaves de leurs dettes, se distinguent une troisième catégorie : les héros. Déjà plus des hommes, presque des Dieux ; mieux que des Dieux, encore des hommes- les héros tirent les uns et les autres vers un idéal commun : la célébrité, l’impunité, le fric, le clonage de soi même , et le talent de gérer ces cinq composantes de la légende du héro. J’ignore si ton époque montre d’elle, à la télévision, un résidu de civilisation, un concentré de niaiseries et de crimes – si tu le supporte aussi peu que moi-même ; si malgré tout, les artistes – une catégorie de héros – enchantent ton oreille, régalent ta pensée de mots et de visions suffisamment sublimes pour t’aider à survivre, à bord du rafiot éventré, sans capitaine,  rempli d’esclaves qu’est l’humanité moderne ? Peut être es tu sur le ponton, allongée sur un transat, Déesse toi-même  en compagnie des Dieux ? Ou perdue en fond de cale, parmi les grouillants esclaves ?

Plus sûrement tu es une jeune fille charmante. Tu chantes quand tu es heureuse. Les garçons, des gredins, se retournent sur ton passage. Tu parts en vacances depuis que tu es petite. Ton expérience de la collectivité t’a dotée d’une confiance en toi certaine. Tu illumines la vie de ton entourage avec tes yeux de vingt ans. Tes parents sont vieux. Parfois, tu te demandes même s’ils ont jamais été jeunes. Ils t’aident quand même à poursuivre tes études ou soutiennent tes ambitions d’artiste. Leur éducation t’a pourvue de l’indépendance des jeunes filles bourgeoise, et dotée de la politesse des gens de classe moyenne. Du reste, tu en connais les limites, en respectes les usages quand cela te sert. Une partie de toi se bat peut-être contre ce réseau de convenances que tu trouves ridicules et les rebelles t’attirent. Ou alors, tu as acceptée de ne pas t’identifier à une fille de mauvais genre et situes ton personnage dans un rêve chic et décontracté … et les rebelles t’attirent quand même. L’esprit naturellement ouvert sur une société multiculturelle : tu connais un garçon que tu fréquentes et il peut être blanc, noir, jaune ou basané, avoir les cheveux verts ça n’a pas d’importances. S’il a les cheveux verts c’est mieux même : c’est à la mode. Une seule chose compte : avec lui prend corps le concept le plus important qui trône dans tes cellules : l’amour. Ce n’est peut-être pas le bon ni le seul, mais enfin tu aimes aimer et être aimée. Ou alors je ne comprends rien à la jeunesse, et l’amour vous emmerde, et il ne reste plus rien de l’amour. Passons… je t’imagine tonique et active comme ta mère, pas molle et paresseuse, ce qui n’est pas un jugement de valeur pour moi ni autre chose qu’une remarque générale.De plus: J’en suis sûr ,ta vivacité d’esprit, servie par un milieu socioculturel favorisé, ajouté à tes nombreux voyages, cela doit rendre ta conversation agréable et intéressante. Ce qui ne t’empêche pas de t’enticher de garçons sans cultures dont on ne sait que faire en position verticale. Des rebelles contemporains sans doutes ? D’un autre côté, ton père et ses quarante paires de chaussures, le fait que tu sois une fille, t’inclinent à aimer les fringues et surveiller particulièrement ton look. Tu parles chiffons et strings aussi bien que de Baudelaire, peut-être mieux. Ce n’est pas grave : Baudelaire aurait rêve porter des strings. Il avait les cheveux teints en vert à un moment : c’est dire combien un dessous de ton époque lui aurait convenu… .

Je ne me trompe pas en disant que tu vis dans une société dont prés de la moitié des membres ont grosso modo l’âge de tes parents ou plus, si les données statistiques de vieillissement de la population n’ont pas été inversées d’ici la. Si je peux me permettre un conseil, au delà de la barrière de l’âge, de la condition sociale et religieuse, ton discernement doit être orienté par le degré de connerie. La connerie est universelle et quand à son degré, c’est comme l’alcool : certains ont dépassé les 90 degré et au delà c’est vénéneux. Evidemment : un con ça peut distraire et faire la conne ça peut détendre. Le sachant : trouves toi d’autres distractions et concernant la détente : jamais après minuit, entourée de loup mal fâmés, même s’ils portent des costards : tu serais leur distraction pour le coup. Au sujet du rapport jeunes- vieux, en ta défaveur comme tu fais partie de la catégorie la moins déconfite, généralement celle qui n’a pas le pouvoir – j’ose espérer que tes parents et leur génération se rappelleront les conneries qu’ils ont pu faire, sans avoir à retourner leur veste à l’approche de la cinquantaine, comme il semble que c’est le cas de la génération de ton grand père  laquelle – après avoir fait presque la révolution (tu sais, mai 68, les barricades, les grèves, un président dans la panique qui met 60 million de francs de côté histoire d’instituer un gouvernement à l’étranger ) ; après avoir fait allègrement  l’amour à quatre pattes dans les champs, le nez dans les champignons rigolos ; après s’être inventée de nouveaux héros : les Dieux du rock’ n’roll, une nouvelle nourriture spirituelle : la nausée d’un monde injuste – génération qui finit, à mon époque, suffoquée par la dite culture jeune qui avait fait son panache et son originalité, et dont elle avait été la première instigatrice – génération qui se révèle érintée de travail ou de chômage, malade, aigrie d’impuissance, pas moins dupée qu’avant la révolte par  une machine que les forces de sa jeunesse ont quand même optimisées et que, dans les derniers moments de lucidité de sa vieillesse, elle pense peut-être encore pouvoir diriger autrement que vers le mur… .

Machine éventrée dans laquelle tu es, toi, jeune et belle,encore curieuse de toute cette taule, ces boutons, cette électronique, ces sons synthétiques… Mais, surprise, je crois, par ce mouvement de l’océan agitant la carlingue aménagée pour flotter, décontenancée par une voix inhabituelle venant peut-être des machineries.Ce ne sont pas les turbines, les compresseurs, les visses qui tombent, les poulies, les roues dentées, l’anatomie gastrique du monstre en décomposition qui se font entendre de toi. L’univers sonore ,mécanique , électronique, quantique, antisceptique, t’est familier : écoutes mieux, il s’agit d’autre chose. Depuis les soutes un esclave a crié, et tous les pouilleux se sont mis à hurler cette nuit… .

En bas, on a cru qu’il n’y aurait pas assez de billets de banques pour tout le monde. Pour les contenter, les agents ont recyclés tous les livres en biftons, histoire de leur faire plaisir. Les ballots de frics, en chutant, ont écrasé dix esclaves. Cependant, tous étaient soulagés et le calme est revenu. Sur le ponton, des Dieux affirment qu’on tient le bon bout. Il n’y a qu’à inventer plus de fric ! De toutes manières, ils savent, au fond d’eux, qu’il n’y a pas de capitaine, pas d’itinéraire, pas de retour en arrière, pas d’échouage possible. S’il coule, on dit que le bateau est un sous-marin, point barre ! avance hilare une déesse. Mais l’un des Dieux a levé les bras. Il déclare aux autres combien il est nécessaire d’aimer, même sur un lit de poussière, quand bien même il ferait noir au milieu de l’océan. Tous approuvent cet élan poétique en riant. Les coupes s’entrechoquent. C’est décidé : la prochaine fois les Dieux feront la promotion de l’amour en tablant sur un rabais fédérateur. Il n’est pas question de lâcher un dollar, fut-il faux ! En route vers Macao mes amis !

ChapitreIII  : Rotterdam,Macao,Diego-suarez,en deça …

–        Non mais c’est incroyable !

–        Quoi ?

–        Regarde !

–        Quoi ?!

–        Il y a une femme la bas !

–  Où ?

–        La haut, regarde : juste la !

–        Mais qu’est-ce qu’elle fait ?

–        Je ne sais pas …

–        Non de non. Elle est dingue ! , c’est interdit de monter sur ces engins !

_ interdit, interdit : les jeunes s’en        moquent tu veux dire. Ils ne respectent rien.    C’est vraiment honteux.

–        Elle fait quoi, la ?

–        Elle continue de grimper… Quand même je te jure… c’est de l’inconscience, de l’inconscience !

–        Des qu’on arrive à la maison, je préviens la police.

Non mais tu te rends compte du danger ?

–        Il n’y a rien à dire, rien à faire. Je te dis que cette génération a du plomb dans la tête !

La petite voiture bleue file tout droit après avoir tourné au niveau du chantier. D’autres voitures, aussi minuscules, lui emboîtent le pas. Leurs moteurs ralentissent dans le tournent et dans la ligne droite sont sollicités par des gens soucieux de rentrer chez eux. Il se fait tard. Des trottoirs qui longent la palissade ne montent pas d’exclamations, dans les rues, il n’y a plus personne. Les vrombissements indifférents déchirent le silence frais et venteux.

A vingt mètres de hauteur tout est irréel et désert. L’haleine de la nuit saisit son corps agile sans l’entraver. Le souffle du vent passe seulement par vagues rappelant à son esprit le caractère vivifiant des éléments. Sous sa main, le fer est plus froid que le fond de l’air. Mais elle monte. Barreaux après barreaux. Et bientôt elle dépasse les immeubles alentours. Elle est très haut maintenant. Au point que les rues lui évoquent un circuit sanguin quelconque, mesquin, lent, mécanique plutôt qu’humain et étranger à elle-même. C’est cela : en bas, un flux si régulier et si indifférent au dérèglement qu’elle ressent en elle. Son cœur bat fort dans sa poitrine. Elle marque une pause dans son ascension. L’horizon est une silhouette noire, allongée, impressionnant défilé de crêtes d’immeubles, de toits de maisons, et de collines noires. Tout autour d’elle, la ville, froide et comme pétrifiée en un instant suspendu, foisonne, fourmille de lumières immobiles et de géométries sombres et endormies. J’en suis sûr, avec le vent qui s’engouffre dans ses oreilles, elle ressent l’immensité comme lorsqu’on écoute le cœur d’un coquillage. Ses membres sont un peu raides et froids comme le fer. Mais la nuit solennelle est reposante et belle et l’immensité un manteau avec lequel elle fait corps.

Je la vois considérer le ciel, avec ces nuages tellement nombreux, si variés et en même temps semblables de légèrete et de profondeur. Ces entrelacs de gaz sont si imposant qu’ils doivent faire entrer une infini beauté dans ses yeux que j’imagine gonflés. Je suis a mon tour hypnotisé par la structure métallique, elle dessus, les nuages tout autour. Leur station aléatoire au milieu du ciel m’apparaît un jeu subtil ou il s’agit de cacher l’activité humaine du regard perçant et scintillant des milliards d’étoiles qui constellent la voûte céleste.

Soudain je crie mais Marianne ne fait pas attention. Son esprit est comme suspendu dans le silence, un silence conscient. Je sais qu’elle devine la présence de Dieu derrière ce silence qui lui parle. Je crie encore, mais le cou translucide de la grue semble avoir avalé la jeune fille. Le chantier entouré de palissades s’éloigne. La grue émergeant au milieu rapetisse. L’infime silhouette que je devine debout sur la flèche, disparaît. La petite voiture de Marianne file vers les artères de la ville, artères si régulières, si indifférentes au dérèglement que Marianne ressent en elle en ce moment.

Je ne cesse de regarder Marianne. En tournant le volant, elle ne peut s’empêcher de croiser mon regard. Ses yeux éloquents me disent : la faille qui parcourt ma vie craquelle mon esprit. Il en sourd une douleur psychique qui ne m’a pas lâchée depuis des mois. Je me réveille l’angoisse au ventre, traverse les journées sans passions, consciente d’une sorte d’incapacité obsédante que j’attribue non à la dépression mais a l’incomplétude reddhibitoire de mon être. Si tu me prends pour une cruche, casse toi !

Une autre fois, son regard se durcit : une inquiétude transparaît puis de l’énervement et du désespoir. Les yeux de Marianne, à la beauté voilée par la tristesse et la fatigue, sont peu mobiles, plutôt figés par des pensées intérieures absorbantes et répétitives. En réalité c’est étrange, quand elle tourne la tête dans ma direction, Marianne me regarde sans me regarder. Exactement comme si elle était seule dans l’habitacle de sa petite voiture. Or, à la première question qu’elle me pose enfin, je comprends pourquoi elle ne m’a pas entendue crier, et aussi que je ne suis pas vraiment avec elle.

–        Tu es là ? dit-elle. Je sais que tu es là. Je t’aime Mamie, tu sais … je t’aime… et je suis malheureuse. Et ils veulent à nouveau m’envoyer chez les fous. Et j’en éprouve de la haine. Et je ne me laisserai pas faire. Je ne retournerai jamais là-bas, jamais !

–        Ma petite Nanou, je te comprends, je t’aime, je t’ai toujours aimé, ne fais pas de bêtises, sois patiente, comprend qu’il ne comprennent rien, et je t’en conjure : n’agis pas inconsidérément, écoute ta grand mère : il n’est pas encore temps : tu es jeune, ton mal passera comme un chagrin foudroyant dont on ne se rappelle plus, après, qui même avait pu le susciter, écoute ta grand mère, calme toi… Tu ne sais pas ou tu vas, n’est-ce pas ?

Ces paroles je les avait prononcé sans même y réfléchir. Ou peut-être étais-je témoin d’un dialogue entre Marianne et… le vide : mes membres, mes organes étaient inexistant ! L’instant d’après, je me revois flotter prés de Marianne, le long du trottoir. Vaguement étonné de ne plus être dans sa voiture. Soudain alerté en reconnaissant la palissade devant laquelle Marianne s’est immobilisée, car elle regarde la flèche d’une grue immense, loin au dessus, qui déborde du chantier et dont la pointe surplombe la nationale vingt.

Moi aussi je suis impressionné par la hauteur et un frisson m’envahit quand Marianne se décide à bouger. Je tente de la retenir. Ma main passe au travers de son épaule. Je m’époumone à l’appeler. Elle a déjà passé la palissade. Quand je lui barre enfin le chemin, c’est peine perdu : je n’ai pas de consistance et elle, elle se dirige vers la grue en automate. Sans se retourner. Le regard obnubilé. La poitrine soulevée par une respiration profonde, pareille a celle d’un athlète avant une performance.

Après, je ne me souviens plus très bien. Il me semble que plusieurs voitures roulent sur une tache imprimée sur le bitume. Ton grand père se tord la bouche et ses yeux deviennent très tristes en apprenant que c’est ce qui reste de Marianne. Puis apparaissent petit à petit, le bureau, le cendrier rempli de mégots, l’ordinateur devant moi, le standard et la vitre qui me sépare du hall. Tout ce de quoi m’a éloigné mon rêve.

Je lis quatre heures sur l’horloge électronique. J’ai du dormir une heure, me dis-je. L’équivalent de ma pose syndicale. En m’étirant, je sors de ma cage de verre afin d’examiner le salon de réception contigu au hall et tout aussi désert que lui. En revenant, je me dis que la fille de tout à l’heure va peut-être repasser. Je ferme les yeux, songe un instant à anticiper l’heure syndicale de détente du lendemain. Qui ça peut bien déranger ? Et qu’est-ce que c’est une heure ? Qu’est-ce que c’est une heure ? La phrase résonne à l’intérieur de moi et son écho annihile ma conscience.

J’ouvre les yeux : Marianne avance sur la flèche de la grue. Elle en a presque atteint la pointe. Qu’est-ce que c’est une heure ? Ca peut être la durée nécessaire pour parcourir 300 mille kilomètres ! De quoi t’endormir sur Terre et te réveiller soixante minutes plus tard en ayant atteint la Lune, si tu avais les capacités de la lumière, me lance Marianne sans se retourner. Marianne sur la flèche, devant, dont la silhouette distante d’une dizaine de mètre contraste avec sa voix qui me semble étrangement proche, si curieusement détachée et calme. Nous sommes si infimes, tu sais, dis-je en m’interrompant, sans avoir le temps d’être surpris lorsque Marianne se jette dans le vide. Je…

–        Je sais, reprend Marianne. En même temps tes paroles n’ont pas de sens. Aussi peu grand que puisse être un homme relativement au cosmos, il contient quand même suffisamment de filaments d’ADN a l’intérieur de lui pour que ceux-ci mis bout à bout dépassent la longueur de 380 mille kilomètres… L’équivalent de la distance de la Terre à la Lune justement. Tu vois, l’infime pour autant qu’il est l’opposé de l’immense peut être crucial. Et ce qui nous parait immense ne constituer jamais qu’un segment infime d’infini.

–        Je suis un peu sonné… Tu as l’air bien passionnée par cette relativité ?

–        Je l’éprouve constamment maintenant, répond Marianne sur un ton presque anodin.

Mais la situation me semble vite absurde. Mon pou s’accélère. Je la cherche du regard. Elle n’est nulle part, son corps même pas étendu plus bas sur la route. A la vue de la nationale vingt, le vertige me saisit d’angoisse. J’éprouve bien une seconde sublime de légèreté, d’extase, vite remplacée par une peur immense, à mesure que se dissout en moi la notion d’espace. Au moment où je prends conscience de tomber comme une pierre. J’hurle, me débat dans l’air frais. Je vais éclater sur cette route monstrueuse ! Le bitume se rapproche à une vitesse fulgurante. J’en redoute l’impacte brutal. La violence inouïe de l’éclatement de mes organes m’apparaît comme un flash. Ma peur panique devient furieuse, tandis que je tombe toujours et toujours, hurlant comme un porc qu’on égorge. Mon agitation, toujours plus incontrôlable, la sensation du vide, toujours plus abominable, parcourent mon corps de convulsions.

Je ne vois plus rien, il n’y a plus rien. Tout tourne autour de moi. Je file comme une météorite dans le vide, dangereusement soumis à la pesanteur. Dans un ultime effort, je m’extrais de mon siège. La sueur au front. La chemise collée sur mon torse. Agitant mes yeux ahuris et gonflés, sur le monde tangible que je viens de quitter. Le bureau, le cendrier, le standard, l’ordinateur constituent les éléments de mon réconfort. Absurdes éléments , en vérité.

La lourde porte du hall s’ébranle. Avec un léger retard me parvient le bruit métallique de la clef qui tourne dans le mécanisme de la porte : la jeune fille est déjà dans le hall. Le rectangle de trois mètres de haut se referme derrière elle. Elle tourne la tête vers ma cage de verre. Je la reconnais en même temps que je finis de me réveiller.

–        Hello !, lance t’elle, en se rapprochant. J’échappe un « bonsoir, mademoiselle » poli. Ses cils clignent deux fois, avant qu’elle ne s’accoude sur le comptoir, affichant un sourire délicieux.

–        J’ai passé la soirée à St Germain des prés… dans une cave ! Il y avait des italiens avec moi. C’était bien et je ne sais pas pourquoi… ( elle baisse la tête )  any way ! Les garçons veulent toujours quelque chose de moi, fait-elle sur un ton de reproche. Tu comprends ?

–        Je comprends… Si la fin te semble toujours attendue c’est parce que tu es jolie mais pas assez stupide. Moi aussi tu me fais de l’effet, et je pourrais être ennuyeux … silence. Elle sourit, pas vexée, pour rigoler. Nos regards se rendent compte qu’ils sont séparés par une vitre. Je lui fais un signe qu’elle devance en contournant rapidement le comptoir pour pénétrer l’envers du décor. Ses pommettes sont rosies. Ses dents sont blanches. Sa lèvre est douce. J’éprouve quelque chose pour cette belle étrangère, me dis-je en l’embrassant poliment, alors que je remarque qu’elle a les joues encore à la température de l’air extérieur. Puis quand je recule mon visage : je suis stupéfait.

–        Je connais tes sentiments, me dit, abruptement Marianne, alors même qu’assis à califourchon sur la structure triangulaire de la flèche, je sens que je surplombe la nationale vingt encombrée de voitures. Il y a un attroupement en bas…

–        Nous sommes un dimanche sur la Terre. Dans le ciel une épée de lumière glisse à travers les nuages. Tu sens le potentiel de cette lumière, me demande Marianne ?

–        Comment as-tu fais ça ? lui dis-je. Je suis en train de rêver encore ?

–        Bien sûr. Je ne crois pas que tu m’aurais senti sinon. Il faut être « hors conscience », comme on dit « hors monde », pour me percevoir. Demain, ma mère t’annoncera que je suis morte dimanche dernier : ce qui doit faire deux jours. Peut-être trois ? Ou alors quatre ?

–        Mais ou es tu ? Je ne te vois pas

–        C’est normal, dit Marianne. Et aussitôt, mille images d’elle me reviennent. Certaine qu’elle semble puiser dans mes souvenirs. D’autres, la plus part, qui me sont inconnues. Elle n’a de cesse de parler dans l’intervalle et son discours est a peu prés comme suit :

«  C’est normal. Il n’y a plus rien de moi qu’une matière putrescible. Regarde en bas : on m’emmène… Tu sais, je ne suis même plus une sorte de gaz en expansion. Je ne sais pas ce que je suis. Je ne réagis pas à la chaleur de la même manière qu’un être vivant. En Inde, j’ai compris que la combustion des défunts – dont le crâne est enduit spécialement pour, littéralement, exploser, lors de la crémation – entraîne une sorte d’accélération, si on n’a pas voulu se détacher de son double organique. L’accélération augmente le décalage de notre perception. Je ne sais pas de quoi nous sommes fait alors. Il ne s’agit pas seulement d’une question de vitesse, sinon lors de la mort il me semble que le corps céleste en dépassant le mur du son vous ferait entendre une explosion. Je pense plutôt à l’accélération du temps. Une heure n’a pas de réalité pour moi. C’est une jauge devenue inutile qui n’évalue rien de compréhensible, rien de comparable à mon expérience… Je crois avoir dépassé le mur des chiffres. La réalité que je connaissais pourrait me paraître une illusion si je n’éprouvais le sentiment nostalgique de la vie terrestre… Ma Terre doit avoir la dimension d’un système solaire et je ne dis cela que pour te donner une idée. Nous participons de l’anti-matière, mais aussi bien nous pouvons nous confondre avec les photons de la lumière. Je ne peux pas décrire ce que j’entends, ni me mesurer. L’infiniment petit et l’infiniment grand je peux les explorer. Je ne fais que ça. Plusieurs fois, j’ai changé de dimension, ou ai été entraînée dans des systèmes où les atomes étaient combinés de manière extrêmement différente. L’univers tel que tu le suppose m’est situé comme derrière un mur que je refranchis, lorsque j’ai assez dérivé, et qu’un sentiment me projette dans la vie. C’est assez extraordinaire. Te rappelles-tu quand tu me parlais des psychotropes hallucinogènes et m’affirmais que six kilogrammes de L.S.D étaient suffisant pour faire basculer soixante million de personnes dans l’hallucination, pendant plusieurs heures »

–        Je m’en souviens parfaitement. Tu étais tellement gaie, tellement folle, ce jour la…

« Et bien cela est à la mesure de mes capacités. Pas de droguer soixante millions d’êtres humains. Je veux dire de n’être même pas un milliardième de gramme et de pouvoir investir la matière organique, provoquer des réactions insoupçonnées, et être capte par les cellules cérébrales…de me tenir hors de la conscience… dans l’inconscient d’une baleine. Investir un labyrinthe de sentiments, puis un milliardième de seconde après, être happée par le moyen de transport qu’est l’onde musicale du chant des baleines… Je connais parfaitement le mouvement de la spirale. Le sens électromagnétique des requins… la vision sensible au champs magnétiques des oiseaux…Je me suis déjà amusée à me prendre pour de la foudre. Je ne saurais décrire la consistance qu’a pour moi la matière. Je suis en elle et pas en elle. Je peux voyager à la vitesse d’une balle à travers les vases communiquant de l’univers. J’aurais pu parcourir cinq cents fois la distance Paris – Bretagne, visite comprise, depuis que tu dors. Quand j’ai exploré les banques numériques de l’humanité et visité les bandes magnétiques, cela m’a permis de changer d’époque. Mais depuis longtemps, je ne transmigre plus vers la Terre. Je vis l’équivalent de deux cents huit jours terrestre en une heure, si cela s’appelle encore vivre. D’ailleurs, je dis cela sans certitudes. Juste pour que tu saches mesurer ce qui nous sépare… Je voulais te dire au revoir. Mes souvenirs humains constituent déjà la plus petite part de mon voyage à travers l’espace. J’ai peur parfois et ai toujours l’impression de réagir humainement. Je crois toujours en Dieu. >>

Après Lou, ton oncle a fermé les yeux. Quand je les ai réouvert ton grand père se tenait prés de moi.

–        Ca va, m’a-t-il demandé tout de suite. Tu as gémi toute la nuit, t’es agité comme un diable la tête a l’envers. Tu n’as dormi calmement qu’a sept heures du matin !

–        Deux fois, je t’ai entendu hurler, renchérit Thierry, notre nouveau colocataire. On ne savait pas si tu agonisais ou si tu jouissais… personnellement, j’eu préfère que tu agonises. Pas vrai, Fidy ? continua-t-il en regardant ton grand père. Au fait Fidy, vous savez comment on a construit les pyramides d’Egypte ? Moi non plus. En attendant : La forme pyramidale indique que plus longtemps ils travaillaient, moins ils voulaient en foutre. Sinon ils auraient construit des buildings… c’est comme ça !

Chapitre IV : You ‘ll not love me any more…

Cloîtré derrière ma cage de verre, dans cette immeuble sous haute sécurité ou logent les jeunes filles préparant de hautes études, autant de mères du prochain gratin mondain, je ne vois plus ma belle étrangère. Elle m’évite. J’ai été trop loin la dernière fois, ou pas assez, suffisamment disons pour qu’elle se soit trouvée un autre emploi du temps. Cette fois, on s’était pourtant expliqués après s’être embrassés. Elle m’avait dit : « je t’aime et j’en aime un autre aussi beau que toi », « tu veux dire mieux assuré d’une position sociale en correspondance avec tes aspirations, j’imagine. » « Anyway ! je n’aurai jamais du te le dire. Tu es blessant et méchant. Daniel est lui autrement plus élégant que ça. Je ne sais pas s’il est aussi franc. My god ! Je n’en reviens pas de ton culot. Il est inutile de me rejoindre dans ma chambre cette nuit, j’hurle sinon, et je te dénonce. Adieu… Au fait, je suis quoi pour toi ? » « Un grain de sable baby, nous sommes tous des grains de sable … » « Salaud ! » « Attends, même toi tu t’es vautrée sur cette plage avant que ton Daniel sorte de l’anonymat…Bonne nuit quand même miss… » « Va te faire voir… »

Quelle comédienne ! « Anyway », comme elle dirait ; ou « moi quand il y a rupture je préfère ne plus y penser d’un coup et filer droit devant vers autre chose », comme elle me l’avait dit une fois, la garçe ! De toutes façons, il y a des nanas partout au bureau. C’est ce que se dit une partie de moi-même. La plus noble parce qu’aussi la moins sérieuse. N’est-ce pas vrai ? Ne trouves-tu pas Lou, qu’on souffre inutilement à croire qu’il y a quelque chose de sérieux dans l’amour ? Je veux dire, est-ce badiner avec l’amour que refuser qu’un lien psychique se crée entre l’échec amoureux et l’estime de soi ? Car avec l’amour, qu’a-t-on à perdre au fond ? ses illusions, non ? La partie qui s’arrache avec le départ de l’autre, c’est seulement notre idéal du bonheur. Ca repousse ce truc là. Même, il se peut que ça se détache de l’illusion du bonheur et que ne reste que le bonheur sans l’illusion !

Considère mon fardeau : pour aimer trois femme, à cinquante kilos l’unité, disons, j’ai du consommer dix tonnes de chair féminine… Imagine huit cents pieds et mains, des kilos de baisers, des milliards de manières, tous les regards, toutes les douceurs, je ne sais pas combien de neurones. Je veux dire : j’ai perdu je ne sais pas combien de neurones. Pour dire la vérité : j’aurais aimé les femmes autant que je les aurais détesté, et Dieu sait combien je les ais aimées. Maintenant, je sens que certaines fois je suis encore prêt à traverser tout Paris pour un peu de tabac. Auparavant, quand l’amour c’était juste aimer, pour un flirt avec elle j’aurais franchi des montagnes ( ne rigole pas trop de ma niaiserie, Lou, je veux dire par là que j’aurais pris l’avion ), avalé quinze limaces, capturé cinquante araignées monstrueuses ( bien sûr pour les relâcher loin de la vue de leurs meurtrières par procuration ), déployé aussi mille stratagèmes, commencé mille intrigues en même temps, tout le temps, partout, pour surfer à plein sur le roulement … de la vague bleue émeraude de mes sentiments , alors pareils à l’océan, c’est-à-dire : changeant. Et surtout pour conjurer l’hécatombe, conséquence de l’égalité entre une femme et une glace en mon esprit tourmenté. L’égalité des sexes a fait son chemin depuis que ton arrière grand -mère paternelle fréquentais les bals des années trente du xxème siècle, non sans être accompagnée de sa propre mère, laquelle veillait à ce que l’honneur de sa fille ne souffre d’aucun comportement déplacé ! Ton arrière grand -mère qui côtoya ce temps passé où les épouses , faute d’égalité de traitement, ne disposaient pas du droit de vote, ni celui de disposer d’un chéquier sans l’accord de leur mari… Egalité acquise depuis, dont ,à mon niveau, je mesurais mal la symétrie qu’elle signifiait. Car elle impliquait que j’étais moi aussi un produit de consommation soumis à une date de validité , sur le marché de l’amour. Mais tant que l’amour est un flux tendu, il n’y a pas de place pour l’immobile solitude, sœur de la nostalgie et mère du désespoir. Un amour raté se compare au stock d’amour en réserve : il se perd dans une vie de consommation. Le corps est beau, cruel, l’esprit acéré , sûr de son influence, capable de tout, par jeu , par passion, par amour de la vie : posséder ne l’obnubile pas, consommer l’amour sans soucis de ce que c’est : voilà les ressorts de cette façon d’aimer , que d’aucun qualifie de libertinage… .

Mais in fine : est-ce aimer quand même, car mes fameuses dix tonnes, deux cents morceaux de chair, en cinquante ans, cela revient à vivre une aventure tous les trois mois en moyenne. Comme disent des amis de mes amis qui sont infréquentables et pour cette raison qui ne sont pas mes amis : c’est goutter de la nouvelle viande tous les trois mois (les filles le disent aussi, je te dis : ils sont infréquentables). Si on peut estimer que c’est là une vie d’inconstance ou l’inverse, cette boulimie, tu peux comprendre que ton oncle n’ayant pas vraiment cinquante ans que cela ait pu être pour lui une véritable indigestion. Pas celle qui supposerait une limite humaine. Aimer relève d’un sentiment sans limites. Non, aimer un amour en particulier, c’est cela la cause de mon indigestion. O Lou, comme ce n’est pas sérieux : sur deux cents femmes, j’en aurais aime trois. Si fort que ces trois femmes je peux dire les avoir aime chacune plus que les cent quatre vingt dix sept autres réunies. La dernière plus que les deux autres. Ces cinquante derniers kilos (à peine) de mépris auront donc réussi à me faire détester quarante tonnes de femmes ! Aussi absurde que si j’avais renoncé à l’océan pour trois grains de sable…

Evidemment, ma petite Louise, si je t’avoue que parfois je crois que vous autres, les femmes, il faut vous rendre un peu chèvre sinon vous avez tendance à prendre les hommes pour des moutons – tu penseras peut-être que mon dégoût était inscrit dans une considération déjà méprisante. Je te jure que non : j’adore les chèvres ! De leur fréquentation j’ai appris qu’au fond je cherche à aimer une femme qui en vaut mille, et que pour n’avoir pas su la retenir chaque fois que je l’ai vu, je me suis condamné à me contenter des mille qu’elle vaut. Mais tu sais de l’avoir seulement vu m’a détourné du plaisir d’aimer mille fois. C’est mon tord et mon paradoxe : j’ai reconnu la puissance d’un millième d’amour et je renonce à mille amour d’un millième. Considère l’étendue de cette vanité : quel intérêt qu’une chèvre en vaille mille, une chèvre est une chèvre ? Non ? Peut-être comprendras-tu si je te rappelle que le mécanisme complexe de mes sentiments fut mis en échec par un grain de sable, dangereusement banal en tant que grain de sable.

De toutes façons, je me permets des métaphores d’animaux tant il est vrai que la fréquentation du sexe incarnant la puissance de nos faiblesses peut nous conduire à devenir une bête. Sans enfants (et encore), il est difficile de demeurer un homme ou une femme digne de ce nom, pendant nos désastres amoureux. Si j’ai pu être confondu avec un caniche tant je l’ai aimé naïvement, j’en ai pris mon parti. Et je te dis qu’une femme qui en vaut mille est une LIONNE ! Et c’est mal écrit Lou, à chaque fois que je suis tombé amoureux d’une lionne, j’ai oublie de la traiter en chèvre. Alors que je savais qu’à chaque fois que j’ai consumé une chèvre, là j’étais un vrai beau chien ! Moi aussi avec un grain, et capable de tout comme j’ai cassé tous mes jouets, guillotiné toutes mes poupées, détérioré toutes mes voitures, brûlé tous les interdits, certes, sans rien changer à l’ignominie du sable… Là tu te dis : qu’est-ce qu’il a le tonton avec ses métamorphoses animale, lui qui ne sait pas discourir sur le plaisir d’être un lion, un éléphant ? Et plus sûrement depuis que tu lis le début de ce chapitre : ouai ; rigolo ; vrai ? Un produit,l’amour, c’est ça ? ; C’est nase, has been, vulgaire ; les dernières blagues : nulles à chier ! Il en cherche une qui en vaut mille et lui il ne vaut pas un dollar ! Désolé, c’est le titre du chapitre : you’ll not love me any more…

Mais Lou, mon ange, je ne serais que loin de mon propos si cela devait être pour te considérer comme le contenant de mes sentiments. Et je considère que tu ne peux pas lire ces lignes si tu es restée sur l’idée que l’amour ce n’est pas beau. Si tu es passée au « c’est bon », autant qu’au « ça fait mal » et pense « qui dois-je aimer ? » ou « suis-je digne d’amour ». Non, si tu as quarante ans et qu’après avoir aimé les hommes beaux et forts, tu ne sais plus désirer que de beaux coffres forts, là tu touches à l’essence de l’illusion amoureuse, ce que j’essaie de te faire sentir. Ainsi : Tu es un peu aigrie, pas encore assez sénile pour vendre des carottes râpées,non, mais juste assez âgée pour comprendre qu’il te faut un homme et de l’argent. L’amour pour toi se détermine encore par rapport au bonheur en vente libre. Le plus normatif étant d’être au sein de sa famille directe, libre et plus ou moins heureuse avec tes enfants, même si le trouble que provoque l’autre est parti. Vision idéale en fait, ou l’amour correspondait à un tas de désirs identifiés et de besoins répertoriés : un mari, des enfants, une maison, une piscine… même si depuis longtemps : le mari coexiste avec les antidépresseurs . Mais tu es encore dans la force de l’âge à quarante ans, et tu peux encore basculer vers l’autre mirage qui permet de supporter le mirage de la vie : l’amour non idéalisé : qui consiste à plonger sa main dans les grains de sables… Et bien c’est à ce moment précis qu’un amour plus qu’un autre peut te faire détester , aussi bien, tous les autres.

La Déesse, quand je termine ma lecture à haute voix, me regarde et me dit :

–        Le mirage de la vie, on dit que c’est un jet, hein ?

–        Si tu veux, dis-je, sans avoir le temps de m’énerver. Elle dégrafe ses cheveux et me lance, en me regardant droit dans les yeux :

–        C’est dommage que tu ne sois pas prince. Es-tu un peu charmant au moins ? Je suis du regard ses mains se poser sur sa jupe, elle en replie l’étoffe sur ses genoux, puis écarte les cuisses. Le ponton est désert. On entend le bruit de la fête déborder du port et monter au-dessus de la vieille ville. Je suis brûlant… les Dieux ont fait escale à Ibiza.

 

CHAPITRE V:ne me ressemble pas

 

Ma chère Louise, aujourd’hui tu as un frère : le petit Paul. Ce livre lui est donc tout naturellement aussi destiné. Paul, mon garçon, on dit que tu me ressembles, nous avons les même bonnes joues, pour ainsi dire nous sommes frère de bouille. Tu es costaud également et si je n’étais au crépuscule de ma forme physique et mentale, toi trop jeune pour qu’on s’en rende compte, les gens compareraient-ils notre orgueil ? Je ne sais. Ce que je n’ignore pas en revanche, c’est que tu auras ton père sur le dos si ,comme moi, dans les creux de ta vie, éprouvant des difficultés à te maintenir au milieu des hommes, ton imagination l’emporte sur le reste, au point comme moi de t’inventer des vies que tu n’as pas, et d’illuminer ton quotidien par le sublime excés de l’illusion. Sache, si tu en arrives à de tels paroxysmes qu’on peut s’en relever, même si cela prend du temps, même si cela est dur de n’être que soi et personne d’autre. Sache que quand on a une faille en soi, le regard d’autrui peut être bienveillant, il en devient une blessure quand de toi on attend plus rien. Et quand tu crois te confondre avec le néant intérieur, il n’y a que ces radicelles d’orgueil qui te liaient à celui que tu aurais aimé être, qui peuvent te sauver. Car quand on coule, on peut traverser tous les planchers : perdre sa femme, son boulot, son statut d’homme intégré et se retrouver parmi la lie de la société. Quand la tête craque, cette lie, on s’y reconnaît dedans. Le clochard te parait plus proche, ainsi que l’handicapé, ou tous autres exclus. Mon monde actuel est fourmillant de ces exclus. Mais chut ! , depuis le déb
ut
, je fais croire à ta sœur que je travaille toujours dans le hall de cet immeuble sous haute sécurité pour jeunes filles préparant de hautes études, l’immeuble des esses.

Donc, nous sommes quatre gardiens à nous relayer dans le hall. Notre rôle se restreint à l’enregistrement des entrées et sorties et au maintient de l’ordre public. Il se noue souvent des liens entre nous et les Déesses. Selon le dernier sondage que m’avait rapportée la jeune fille dont je parle plus haut, je suis celui qu’elles préfèrent. Moi, d’être leur confident m’enchante. Elles me racontent leurs aventures de jeunes Déesses et je me délecte à l’idée que ma personne les intrigue.Mais chut, chuut ! je raconte que des conneries ! …

La dernière fois, je me demandais le métier que j’aurais exercé il y a cent ans. Je me vis plein de la poussière d’hier dans les veines. Déposée sur mes traces, je pouvais la suivre au delà de la lisière, la où commencent les cheminées et les carrières souterraines pour hommes plein de suie, portant des croix d’ébène pour consolider le fragile eden.

Le temps d’une gamelle me vint l’idée, l’idéal de l’opale couplé à la quête du charbon, puis la révolte devant ces menottes que sont les gants et la pelle et la pioche, et le sens nouveau qui a ruisselé du caniveau pour atteindre cette cathédrale souterraine sans vitraux, que pas après pas on dégorge de son sang. Combat à recommencer, chaque halte à partager, chaque victoire sur la pierre explosée s’efface le soir au chiffon froissé. Gueule noire, poumon noir, esprit noir, magie noire, et sang vampirisé, un jour le maître payera de sa vie la transhumance des damnés enrubannés dans des linceuls de poussières. Il en naîtra un grain de sable capable de faire reculer la machine, me dis-je, mais machine qui dans l’autre sens tournera insatiable qu’elle est de crimes et indifférente aux truies ou aux fruits que sont pour elle les hommes…

Aujourd’hui le mambo est rigolo, mais personne n’a le temps de le danser dans le métro. Le temps est zoo. Les zoulous font coucou, cou a couper, une clef, un billet, un ticket, et hop « ganaisé ». Tandis que les vieilles pendules sonnent aux clous, mécanisme brillantissimes devenus inopérant contre la sottise. Tandis que le marteau fauché par le faux cil est sonné, la cloche assez haut raisonne et raisonnera. Mais les misérables mal entassés dans leurs abris mal chauffés, par le hublot, sont dévisagés par des racistes, sosies espionnant le peuple criant après le ballon des stades de football, demeure guerrière certifiée d’antan. Sur le terrain, le combat est mené et malmené à coup de foudre footballistique par de divins pieds capables de tempérer le pouvoir. Aussitôt, sur le chemin des champignons, le pied d’un gamin est amputé par une mine savante fourmilleuse de projectiles. La cloche sonne et pour ajouter à la misère, certains se font mercenaires. Je reste seul dans mon abri… A quand dix siècles de paix ? Quand est-ce qu’elle finit la cruauté infinie ? Les rapaces de l’or ? La goulue, la chouette, les bastringues, la nuit, chantaient : « Faut que ça saigne pour le règne ! » Alors mon cher Paul, à bord du « Bel-ami » sur le sillage de ton regard coquillage, au-delà du pliage et de l’image, souviens -toi des années pas sages, et des beaux virages. Le temps laisse sur le rivage ceux qui ne répondent pas à l’
appel du voyage. Qu’importe que nous soyons otages de mirages. Sous la plage des présages, des nuages et des orages, plaidons pour un maquillage qui ne soit pas le seul apanage.

 


Chapitre VI : Ne lui ressemble pas

Dans le chapitre III, sur la pauvre Marianne, à la fin, je parle de Thierry notre nouveau colocataire, tout en drôlerie, le bon mot d’esprit toujours au bout des lèvres, pas vraiment propre sinon, mais toujours prêt à faire bonne figure à l’aide de parfum. Et bien c’est fini, le bougre a quitté le radeau, laissant  auparavant une ardoise de quatre cents euros.

Maintenant, ton grand père et moi nous avons à faire à Vincent le clodo, et d’un coup le standing de l’appartement en a pris du plomb dans l’aile tant Vincent le clodo est sale. Depuis son arrivée, il règne un désordre indescriptible dans sa chambre : vêtements, mégots, papiers, cuillères, tasses de café jonchent le sol. Et l’odeur qui y règne effraierait le plus crade des cochons tant ce pauvre Vincent pu. Il faut dire qu’il ne se change qu’à l’occasion. Il arbore sempiternellement une combinaison noire de vigile de sécurité qu’il porte, la plus part du temps, sous un cuir qu’il met avec une robe de chambre trop longue, laquelle dépasse et lui donne l’air de venir d’outre-tombe, ou d’un pays où la décontraction règne chez les clochards en même temps que le mauvais goût. Les voisins se plaignent de lui, aussi. Il faut dire Vincent fait la manche sous nos fenêtres et dans l’immeuble, ça jase. Quand il fait beau, Vincent se déchausse et s’allonge sur le bitume tendant la main à l’approche du badaud. De lui-même, il se dit malade à vie question boulot, et handicapé de la volonté. Du reste, ça fait quinze ans qu’il a rodé son sketches de quêteur. Tant et si bien qu’il connaît les coins qui rapportent et n’hésite pas à squatter les devantures des boulangeries, les coins de marchés, ou sinon il écume les métros s’en allant de sa ritournelle ultra rodée de quêteur roublard qui s’affiche comme tel avec humour, comme c’est ainsi que cela marche. « Un brin d’humour et d’escroquerie reconnue, c’est ce qu’il faut pour que ça paye, dit-il. »

A quarante ans passé, Vincent a le front tailladé de rides, la barbe et les cheveux hirsutes. Il a l’air d’un rebelle éternel avec sa dégaine qui est celle d’un fou joyeux de sa saleté. Sa cervelle pas trop mal faite souffre d’actes manqués, aussi, quand il perd hebdomadairement son argent, les clefs, ses papiers qu’il ne retrouve pas toujours dans son fouillis. Vincent n’a de cesse d’irriter ton grand père dés lors que celui-ci est obligé sempiternellement de repasser derrière lui, quand monsieur utilise la cuisine pour y faire sa mixture trop riche en huile ou son fameux café dont on ne sait pourquoi il macule les murs en de petites gouttelettes brunes. Vincent a l’air d’un petit garçon quand il se fait réprimander et si il est pris la main dans le sac, il aura toujours aux lèvres une parole de déni et il ronchonnera. Tout ce qu’il fait sent le gras, le gros œuvre, la bouillabaisse, et le négligé. Vincent n’est pas un homme c’est un personnage grotesque, tout en excès et sdf dans l’âme. Il s’assimile volontiers aux peureux, aux faibles, aux sans grades, aux exclus en un mot. Ce, même si sa manche quotidienne lui assure un revenu supérieur au notre…

Pendant des années passées dans la rue, Vincent a écumé les squats de tout bord, se faisant un devoir de régaler la galerie en boissons, nourritures et drogues. En des lieux ou on s’explique à coup de poing et au couteau, Vincent a partage les nuits d’êtres mal famés, aussi roublards que mauvais. Dans des squattes plein d’artistes du dimanche protégés par une mafia de dealers trop heureuse de squatter des lieux de vente et de consommation, Vincent a toujours eu le chic de se tirer des mauvais pas et des situations qui devenaient décidément trop dangereuses. Parfois une bagarre lui déchiquetait les dents qu’il a aujourd’hui, symptôme du sdf, dans un état pitoyable. Cela lui interdisant de manger tout ce qu’il veut et accentuant son air déjanté. Parce que Vincent est réellement déjanté : ses rêves : ouvrir un squats, créer une banque panaméenne , se construire une cabane dans les bois, travailler si peu que possible, manger et manger encore en profitant de toutes opportunités de gagner facilement de l’argent.

Lors de mon dernier rêve, Vincent était là à mes côtés. Nous étions en plein désert : des étendues de sable aux quatre coins de l’horizon, tandis qu’une palissade claire abritait nos œuvres : lui, ses dessins, moi, mes tableaux. Sous une chaleur intense nous improvisions des rites de chaman. Les gens des alentours, des touaregs, venaient nous rendre visite pour soigner leurs divers maux et afin d’admirer nos créations. C’était un rêve des plus agréable. Dans le sable, Vincent haranguait les foules :

« Voici encore venue la suave rengaine des papiers collants et volants. Au début étaient une guitare, un funambule et les passagers d’un radeau sans méduse, mais avec une boussole. Ils se parlaient peu, les passagers, faute de salive et d’eau douce. Le pilote écoutait avec une inquiétude non dissimulée les moindres ratés du moteur. Désormais, ils savaient que leur départ n’était  peut-être pas le meilleur choix, mais ils avaient été choisis par leur famille afin de provoquer quelque chose. Encore et jusqu’à ce quelconque mouvement de badauds capable de faire une entaille dans le quotidien des villes riches de l’occident.

Hier,embarqués, aujourd’hui  grévistes de la faim d’un squat , ils ont décidé d’aller jusqu’à la mort, l’impact a été suffisant pour que le mouvement obtienne gain de cause et puisse ainsi mieux disparaître du jt du soir. Pendant ce temps les ministres européens continuaient de boucler le continent et les USA de construire leur muraille de Chine.

Personne ne peut faire accepter aux opinions des pays riches, ou la pauvreté perdure depuis des décennies malgré les multiples et répétitives politiques de lutte contre un chômage de masse, la liberté de circulation partout sur la planète, sauf à vouloir en finir avec l’état nation. A propos du commerce de l’argent et de la monnaie en générale, il n’est pas invraisemblable qu’apparaissent de nouveaux moyens de paiement indexés sur l’or, par exemple, ou bien sur des actifs réels situés à différents endroits de la planète sans que les états où sont situés ces actifs aient un quelconque droit de regard sur l’usage de ces richesses. L’état de droit démocratique devient un luxe pour des populations souhaitant un minimum de confort social.

Ce qu’on ne voit hélas jamais aboutir, c’est l’effondrement général d’un système qui écartèle l’humanité par des tensions qui dépassent les possibilités d’action de ceux qui sont à la fois conscients du problème et disponibles pour lutter contre ces intérêts très puissants. Sans pour autant que les populations ne soient dupes à l’heure du portable et du net. Donc ne pas céder, c’est garantir aux populations un minimum, c’est survivre tout en ayant les avantages de la citoyenneté et de l’état de droit. Il va sans dire que ces gens ne seront pas dupes et qu’une minorité de nantis ne seront pas quittes des centaines de millions d’affamés qui errent dans les décharges ou les régions désertiques. La politique de la soupe populaire sera le moyen de faire taire l’estomac pour éviter au peuple la séduction du pire.

Rien n’est assez pour ceux qui aiment encore. Malgré tous les soubresauts de la machine, la majorité ne sera pas toujours du gibier. Malgré tout rien n’est fini.  »

Et moi de renchérir :  » Les ouvriers fuient les chômeurs immigrés! Les classes moyennes fuient les ouvriers ! Les salariés les plus aisés fuient les classes moyennes ! Les classes supérieures esquivent les professions intermédiaires lesquelles sont caractérisées par un refus de se mélanger avec les employés etc… Du point de vue de l’aménagement urbain, cela se traduit par un ségrégation territoriale ! Une précocité et une irréversibilité des destins, de leur lieu de résidence et du conditionnement des inter-actions sociales motivé par une concurrence générale au meilleur niveau de vie. L’environnement sociale immédiat taille dans la ville des quartiers entiers dévastés par l’échec, à l’opposé des zones pavillonnaires de professions intermédiaires ou du centre ville , embourgeoisé. Prenez cela en considération damoiseau et damoiselle : aux meilleurs destins les meilleurs écoles et aux meilleures écoles les meilleurs destin…! l’inégalité d’exposition au chômage, au contrat à durée     déterminée , à l’intérim est forte, elle croît ! »

Chapitre VII : La rencontre

Ma chère Louise, voilà quelques mois que j’ai commencé à t’écrire. Je me rends compte en lisant mes notes que je devais t’expliquer pourquoi je voulais me suicider. Puis il m’a paru comme un fait certain que mon désir s’était effrité face à l’exubérant appel de la vie. Oui, je veux vivre, même pauvre, même dans la peau de l’artiste non reconnu que je suis. Passé ce moment d’égarement où il m’apparaissait certain que ma vie devait prendre fin. C’est qu’après avoir aimé cette Déesse de cinquante kilos qui m’avait dégoûté des femmes, le destin m’a fait rencontrer une autre Déesse. Cela tient à peu de chose, tu vois. Or depuis que je l’ai rencontré je ne suis plus au désespoir. J’ai réappris à aimer. Comme quoi rien n’est jamais joué d’avance. Et il faut continuer à espérer. Ce que j’avais fini par oublier tant je me sentais l’âme alourdie de douleur.

Tu sais notre rencontre fut des plus curieuse. Après la mort de Marianne, je m’étais désintéressé de mon travail au point de commettre des erreurs rédhibitoires. J’avais recommencé à me droguer et suite à un soir de garde ou j’avais cru voir un requin transparent envahir le hall des Déesses, je passais la nuit à déménager les meubles, sans rien faire d’autre, ni mes rondes que j’oubliais, ni m’occuper du standard téléphonique que je désertais. On me vira, et je retombais malade ce qui me valu un nouveau séjour a l’hôpital.

Là-bas, il se produisit l’incroyable. Je venais à peine d’arriver que je tombais sur un petit attroupement. Il n’y avait que des jeunes filles. Une particulièrement se tenait debout devant les autres et semblait leur parler comme si elle avait été leur chef, ou du moins l’élément moteur de leur réunion. Sans savoir ce qui me passa par la tête, je m’approchais d’elle et mes mains se saisirent des siennes. Je la fis tourner sur elle-même, et la arrivait l’incroyable : sans s’être concertés nous commençâmes à nous embrasser. Je venais de rencontrer Nadia que je devais ne plus quitter jusqu’à maintenant.

Ma petite Nadia a dix ans de moins que moi, comme quoi l’amour se gausse du nombre des années. J’avais trente ans et elle vingt, quand nous nous sommes rencontrés. Si je ne me suis pas trompé sur l’avenir qui s’offre à nous, tu la verras encore souvent en ma présence. Nadia, d’ailleurs, te connaît depuis que tu es petite, comme elle m’a souvent accompagné à tes baby-sitting. Sans Nadia, je me demande ce que je ferais, où je serais ? Et avec qui ? C’est elle qui m’a fait décrocher du haschich. C’est elle qui pour le moment, après avoir réussi brillamment ses études, fait tourner la marmite en travaillant. C’est elle qui me distrait en m’emmenant dans ses pérégrinations, à droite, à gauche, au restaurant, au cinéma, dans toutes ces boutiques aux quelles je ne suis pas habitué, à Trouville, encore, ou nous avons trouvé un havre de paix pour nos week-end. C’est elle qui m’a fait virer ce gentil mais lourdaud de Vincent. C’est grâce à elle, je le sens, que petit à petit je me remets de toutes mes hospitalisations, et sens que la dépression me quitte, bien que je garde des stigmates de personne sous psychotropes : j’ai les mains qui tremblent, et sans mes médicaments correcteurs je ne suis bon a rien. Même si je ne suis bon a rien la plus part du temps quand, lassé de vivre, je passe mes journées dans le canapé. Puisses-tu ne pas vivre ces moments de désespoir qui me hantent et font de moi un légume et un mort vivant. Puisses-tu si cela t’arrive trouver une âme charitable comme l’est Nadia, pour t’aimer quand même, et agir avec patience avec toi. C’est elle, en vérité, mon réconfort, la force intérieure qui supplée à mes manquements. C’est elle, encore, qui me fait croire qu’à trente quatre ans je ne suis pas devenu moche et vieux. Elle que je vois grandir et combattre comme une lionne. D’abord son entourage lequel se passerait d’un blanc sans travail sérieux ,comme gendre. Je l’ai vu combattre aussi au sein de notre famille pour se faire accepter. Et je lui dois aujourd’hui en partie de croire en moi a nouveau. Mon dernier livre qui devrait paraître, ton père doit faire en sorte qu’il soit présenté à son éditeur le mois prochain, . Alors pour toi et ton frère, ainsi que tous tes petits cousins et cousines, et pour tous les lecteurs le voici ce livre :

( la suite bientôt en épisode chaque mois)

nouvelle sur les genres et les genres d’amour
Il n’y en a plus que pour les jeunes groupes de rock et de rap dans les lycées branchés, mais quels adolescents ne sont pas branchés de nos jours, avec cette aisance pour les technologies modernes, cette manie pour les gadgets electroniques dernier cri, et ces 50 textos par adolescents qu’on envoie tous les jours par téléphone portable interposés ? 

Qui croit n’avoir jamais eu 17 ans, age du rêve, du desespoir, et de la fureur d’etre aimé, ne comprendra pas l’attention qu’ici on prete , au plus proche du réel, aux jeunes adultes d’aujourd’hui, futurs parents de demain dont on pourra toujours se demander si leur look déjanté est le signe d’une rebellion durable, ou qui passera l’adolescent étranglé par sa première cravate, défiguré par son dernier bouton ; ou , signe des temps et marque générationnelle, si ceci est l’indice de la légèreté grave d’une adolescence intériorisant les déjà palpables desastres du monde, tentant d’écarteler les barreaux des conventions, de faire exploser les limites de la liberté ; quitte à vivre dans une virtualité concrète où l’identité individuelle se façonne au sein d’un groupe ayant ses codes, ses rites, ses modes de vie, et qu’on voudrait universel, groupe de rock ou de rap, justement.

Iris, lui c’est le rock qui l’inspire corps et âme, pas n’importe quelle sorte de rock, celui sus nommé  » émotion », raison pour laquelle on dit au lycée qu’Iris est un « émo »; ce en quoi il se reconnait et s’identifit, jusqu’à le revendiquer.

Pour se faire Iris se lève tous les jours à six heures du matin. Il faut dire qu’être « émo » requière un sacerdoce esthétique qui en plus de valoir le détour, pour le coup est un véritable sacerdoce. Donc levée : six heures du matin, puis c’est la douche, Iris est intrétable avec l’hygiène. Après, apanage des adolescents d’aujourd’hui : il se lisse les cheveux. Les siens, mi-long et d’un noir de jaie, il les accomode toujours pour qu’une longue mèche lui cache savamment un oeil. Sanson tirait sa force de sa superbe chevelure, il faut croire que cette croyance est partagée par tous les adolescents branchés, tant ils sont nombreux à l’instar d’Iris, non contant de se lisser les cheveux, à passer des instants inoubliables devant leur miroir travaillant le capillaire avec du gel, puis de la laque, et enfin de la cire. Féminisation des garçons, survalorisation de l’apparence typique de l’adolescence et de nos sociétés, après tout : pourquoi pas ?

Ce qui détonne au regard du style « classique urbain » pour ne pas dire bourgeois, ce sont les inombrables bracelets qu’arborre Iris, avec son bracelet « éponge », le même que celui des tennisman, et surtout ses ongles vernis de noir. Le noir est religion chez les « gothiques », un autre mouvement dont ferait parti Iris s’il n’était un « gothique fashion », soit la définition primordiale de l' »émo ». Car Iris, s’il se gante de mitaine noire, se chausse en « Tuk », « Creepers » à mi-semelle, « Nike », ou « Vans », n’est pas irreductible à la couleur, ni à une certaine forme d’élégance. En témoigne ses teeshurts moulants à l’éffigie de ses groupes de rock préférés :  » Bring me the raison », « Alesana » et les autres, avec leur idole de 20 ans, tatoué de partout en des motifs qu’il faut reconnaitre hauts en couleur et d’un psychédelisme qui n’a rien à envier aux année 70. De plus monsieur se distingue par des swheats à capuche aux couleurs vives et ne dédaigne jamais enrouler savamment autour de son cou de belles écharpes de marques. Quant au bas de son corps, il ne se distingue pas des « minous » à « slim, ces pantalons au plus proche des cuisses dont raffolent les jeunes des années 2010, sinon en se démarquant par une ceinture à clous et de belles petites chaines pendant sur le coté. Signe de rebellion élégante autant qu’authentique à ses yeux, son sac à dos est également un sac à clous.

Mais au-delà du look si essentiel soit-il, le mouvement « émo » est une attitude vis à vis du monde ou plutot une posture mentale faite de droiture et de rigueur. Iris conçoit son mouvement comme une continuité dans l’exercice d’une sorte d’indifférence affectée relativement au monde environnant. Il s’agit pour lui d’être un dandi stoique, le visage le moins crispé possible par quelqu’émotion d’aucune sorte, avec un look poupée de cire et des chansons plein la tête, pourtant.

Iris est un poète. Il griffone dés qu’il en a le coeur des chansons, où il s’adonne dans un anglais parfait au style rock émotion, celui-ci étant caractérisé par des textes forts, où la mort est omniprésente, le désespoir : un mode d’être, la dénonciation des travers de la société : un letmotive, et l’expression des sentiments et des désirs trash ou gore, du genre  » j’aimerai voir couler le sang de ta gorge écorchée par mon amertume », un exercice de style.

La vérité est qu’Iris est devenu « émo » comme mu par une sorte d’inclination à ne pas montrer ses émotions, à toujours retenir quelque chose en soi, tant il est timide. Timidité qui siet à merveille au mouvement des émos. Si provoquant qu’ils sont en apparence avec leur maquillage de coll noir pour souligner la noirceur du regard ou plutot son immertion dans l’abime des émotions.

Malheureusement Iris a beau être « fashion » jusque dans le port de ses lunettes « Reeban » qu’il a choisit du model le plus connu pour y aposer ses verres de vue et ne pas cacher ses sourcils parfaitement épilés, Iris est le seul émo de son lycée.

A la rentrée quand il a franchi le seuil de sa classe, un peu en retard, des nuées de rires ont salué son accoutrement. Edouard et Marc les « gothiques » pouffaient de rire. Brian le « punk américain », le désignant du doigt, hurlait de rire. De même que les « Visual Key », ces fans des groupes « AM Café », « Asian Koung-fu generation », qui s’inspirent des héros de Manga comme « Sangoku », portent des lentilles, des vetements de manga et raffolent des coiffures extravagantes. Kamel au style « rappeur », lui ne tarissait plus de vannes. Quant aux bourgeois, les plus nombreux, comme Thomas, on peut le dire : ils étaient mort de rire en le voyant.

Iris demeura impassible en apparence, et, poli s’excusa de son léger retard auprès du professeur qui n’en finissait plus de le dévisager avec un léger air de mépris,tout en agitant les bras pour faire retomber le ton hurlant de sa classe. Mais dors et déjà , comme toute la classe et même comme tous les groupes du lycée, il savait qui serait sa tête de turc cette année. Et cela ne manqua pas.

SI VOUS AVEZ APPRECIE NE MANQUEZ PAS LA LECTURE DE LA NOUVELLE QUE J’AI ECRIT L’ANNEE DERNIERE : « LES COLLEGUES DE BANLIEUE » IL SUFFIT DE CLIQUER SUR LA MARGE CI-A DROITE